Chapitre I

La rencontre entre Emile Zola et Alfred Bruneau

 

 

            Pour comprendre comment fonctionne la rencontre entre la littérature et la musique il faut essayer d’établir le rôle et la fonction de chacun. En somme, il s’agit de se poser la question suivante : Qu’apporte l’écrivain dans l’élaboration d’une œuvre lyrique et que recherche le compositeur dans sa collaboration avec un écrivain célèbre et reconnu dans le genre romanesque mais peu applaudi dans le genre dramatique ?

            Il en va ainsi d’Emile Zola et Alfred Bruneau. Après avoir rappelé brièvement le contexte musical de la fin du XIXe siècle, la place qu’y tient Alfred Bruneau et les positions de Zola face à cet art,  nous étudierons en détail les différentes œuvres nées de la rencontre entre ces deux hommes.

            Il s’agira, dans un premier temps, d’étudier le passage du récit (roman ou nouvelle) à l’œuvre lyrique (chantée et mise en scène) au travers du Rêve (1891[1]) et de L’Attaque du Moulin (1893). Ensuite nous nous pencherons sur le Zola librettiste qui ne se contente plus de superviser le travail de Bruneau et de Louis Gallet (librettiste des deux œuvres précédemment citées) mais qui écrit des textes destinés à être mis en musique. Ce sera l’occasion de rappeler quelle fût la révolution, pour l’époque, de l’utilisation de la prose dans une œuvre lyrique. Ainsi Messidor (1897), L’Ouragan (1901) et L’Enfant Roi (1905) sont trois œuvres écrites en prose et largement inspirées de Wagner tant dans la forme (utilisation du leitmotiv) que dans le fond mais avec une optique toute naturaliste, teintée de symbolisme, au-delà du vérisme italien. A ce titre, nous verrons comment relier ces ouvrages avec le grand œuvre de Zola que représente le cycle des Rougon-Macquart mais aussi avec le cycle des Evangiles.

            Enfin il conviendra de s’arrêter sur le travail qu’effectua Bruneau après la mort de Zola sur un texte tel que Lazare, premier texte lyrique écrit par Zola, mis en musique après la mort de ce dernier en un ultime hommage au grand écrivain disparu. D’ailleurs il sera utile d’évoquer le mythe de Lazare dans toute l’œuvre de Zola : œuvre romanesque, lyrique et photographique. Mais Bruneau ne s’est pas arrêté de mettre des textes de Zola en musique avec la mort de ce dernier car il tirera encore trois ouvrages méconnus dont il fut également le librettiste : Naïs Micoulin, La Faute de l’abbé Mouret et Les Quatre Journées.

            Bien sûr il sera ici impossible de rendre compte de tous les détails de cette collaboration. Cette partie aura pour objectif de lancer des pistes de recherche qui mériteront un approfondissement plus conséquent. En tout les cas ce travail aura pour tâche de démontrer que l’on peut appliquer à la collaboration Zola - Bruneau la phrase suivante : « Le rythme est le corps de la musique, l’harmonie en est l’âme. » avec Zola comme instigateur du rythme de l’action et Bruneau comme harmonisateur.

 

I] Alfred Bruneau et Emile Zola : situation dans et face à l’histoire de la musique 

            1) Alfred Bruneau : entre Massenet et Debussy

Lorsque l’on demande à un musicien qui est Alfred Bruneau il est, le plus souvent, bien en peine de nous répondre. Est-ce à dire que Bruneau, qui n’a pas connu la gloire que confère le temps, n’est pas digne d’être joué, écouté et étudié ? Dès à présent nous pouvons dire que non. Et nous soulignerons constamment en quoi Bruneau mérite toute notre attention.

            Alfred Bruneau est né à Paris le 3 mars 1857. C’est en assistant aux récitals intimes donnés par ses parents musiciens amateurs (le père au violon, la mère au piano) que le jeune Bruneau fut sensibilisé à l’art musical[2]. On le retrouve ensuite quelques années plus tard dans la classe d’orgue de César Franck au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (C.N.S.M.), dans celle de Franchomme pour le violoncelle puis dans la classe de composition de Jules Massenet. Une caricature de la revue « Accords perdus » représente la classe de César Franck avec Alfred Bruneau au centre entouré d’élèves qui ont pour nom Emmanuel Chabrier, Vincent d’Indy, André Messager ou Ernest Chausson[3] (voir planche I).

            Bruneau fait donc ses études musicales à une époque de l’après romantisme, riche en révolutions musicales, qu’il est nécessaire de rappeler. 1863 apparaît comme une année importante, début d’un courant musical et littéraire post romantique. Delacroix et Vigny meurent alors que Berlioz écrit sa dernière œuvre Les Troyens[4]. Après la défaite de 1870, par réaction contre l’Allemagne, la tendance est à favoriser l’art français. La Société Nationale de Musique, fondée en 1871 par Camille Saint-Saëns, a pour devise Ars Gallica et se consacre à la diffusion des nouveaux maîtres français[5]. C’est aussi l’époque qui voit le succès de la musique de scène avec notamment en 1875 la bombe retentissante du Carmen de Bizet.

 Dans cet opéra Bizet place l’orchestre et le chœur au centre du drame. Il a le constant souci du réalisme de l’action et de la musique. Par là, il sera vivement décrié mais il ouvre la voie au naturalisme lyrique de Bruneau et de Charpentier. Il sait aussi se détacher des sombres intrigues nordiques de Wagner et parvient ainsi à redonner de la chaleur aux opéras. On verra alors que Bruneau et Zola sauront habilement jouer sur les deux plans : réalisme musical de Bizet et intrigue wagnérienne largement revue au goût français.

            C’est aussi la grande époque de Massenet qui, dans les années 1880, fait représenter un grand nombre d’œuvres lyriques telles Hérodiade (1881), Manon (1884) ou Thaïs (1894) et, comme le souligne Frédéric Robert, « réalis[e] au théâtre un compromis intéressant - et intéressé ! - entre Gounod et Wagner[6]. » Grâce à sa chaire de composition du Conservatoire Massenet aura contribué à former des compositeurs comme Bruneau bien sûr mais aussi Charpentier, Pierné et Reynaldo Hahn.

            Donc, comme on le voit, Bruneau est l’héritier d’une riche école française qui se positionne toujours en fonction de Wagner, le grand révolutionnaire de l’opéra. Wagner a popularisé les grandes tragédies venues des mythes nordiques. Cette écriture puissante et massive fait contraste avec l’écriture française qui se veut plus légère (Offenbach), plus subtile (Gounod ou Massenet).

            Issu d’une prestigieuse lignée de compositeurs Bruneau apparaît aussi, dans l’histoire de la musique, comme un précurseur. Nous aurons tout le loisir de développer ce thème dans le courant de cette étude. Pourtant, il faut rappeler que Bruneau saura inspirer un compositeur tel que Debussy qui écrira à propos de L’Ouragan :

 

            Il a [Bruneau], entre tous les musiciens, un beau mépris des formules ; il marche à travers les harmonies sans jamais se soucier de leur vertu grammaticalement sonore ; il perçoit des associations mélodiques que d’aucuns qualifient de « monstrueuses » quand elles ne sont simplement qu’inhabituelles[7].

 

                D’ailleurs, une dizaine d’années avant Debussy, Bruneau utilise des successions d’accords parfaits « d’une grande beauté expressive[8] ». Le thème principal du Rêve, que l’on trouve dès le début de l’œuvre, est construit de cette manière et traduit « l’atmosphère d’église, la vision d’une sainte de vitrail, un peu hiératique en sa raideur gracieuse de statue médiévale[9]. »

            Toujours est-il que Bruneau a existé avant sa rencontre avec Emile Zola, quoi que puissent en penser certains musicologues. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter son Requiem (plage 2), écrit en 1888, pour comprendre que Bruneau possède un talent de composition autonome que Zola saura transcender.

           

2) Emile Zola : son engagement musical avant sa rencontre avec Alfred Bruneau

Si nous avons replacé Alfred Bruneau dans sa parenté avec ses prédécesseurs, qu’en est-il de Zola vis-à-vis de ce fort courant du renouveau de la musique française ? Zola reste étrangement absent et éloigné de la musique. Alors qu’il se bat pour la reconnaissance de l’impressionnisme pictural (autre grande révolution artistique de la seconde moitié du XIXe siècle) il ne se manifeste que très peu pour ce qui concerne le monde musical. Tout juste va-t-il   faire la claque pour Wagner à Paris dans un élan d’anti-conformisme qui caractérise sa jeunesse :

 

Grand succès de la « Marche religieuse » de Wagner, trois salves d’applaudissements. Cette marche, tirée de Lohengrin, que l’on exécutait pour la première fois, a même été bissée ! ce qui n’est jamais arrivé, je crois, pour aucun morceau du grand musicien [...]. J’ai été un des premiers à crier bis[10] !

 

Pourtant son engagement dans la défense d’une musique non-conventionnelle ne sera pas total.

C’est ce qu’écrit Henri Mitterand :

 

Zola wagnérien, avant beaucoup d’autres. Faut-il faire la part d’un enthousiasme de mode et de provocation ? Du pied de nez aux « maîtres - chanteurs » de Paris ? Soit. Ce bis ! de Lohengrin est bien un défi, apparenté à celui qui s’allume dans le regard direct et fier du personnage dont Manet achève au même moment le portrait. Mais prenons garde que c’est aussi un apprentissage. La couleur sonore, et la cadence. Curieusement, Zola ne mentionne guère cette attirance, même pas pour citer Wagner parmi les « naturalistes », ce qui, après tout, aurait pu se concevoir dans le contexte de ses interventions critiques[11].

 

Bien sûr, des témoignages indirects montrent un soutien de longue haleine à Wagner. Telle cette lettre écrite à Zola par Théodore Duret le 20 décembre 1869 :

 

Grande bataille hier au Cirque Napoléon au sujet de Wagner. J’en étais et je suis encore tout enroué pour la part que j’y ai prise. En somme, belle journée pour ces wagnériens qui ont obtenu que l’on écoutât l’ouverture des Maîtres chanteurs jusqu’au bout et qui ont ensuite étouffé les sifflets sous le bruit de leurs applaudissements. Je vous ai cherché des yeux dans le public, vous sachant un fervent disciple du maître, mais je ne vous ai point vu. Vous avez manqué là une belle partie[12].

 

Pourtant il n’y a pas, dans sa jeunesse, soutien idéologique affirmé. De fait Zola reste étrangement silencieux sur son engagement wagnérien. Henri Mitterand y voit plusieurs raisons :

 

Après 1870, Zola aura encore plus de raisons de se taire sur son wagnérisme [...] : le rêve collectif d’une revanche contre l’Allemagne censure toute expression publique d’admiration pour l’auteur du Vaisseau fantôme, et lorsque Wagner reviendra en grâce, ce sera essentiellement dans les cercles symbolistes, rédacteurs et lecteurs de la Revue wagnérienne, auxquels Zola, emporté par l’élan - pourtant wagnérien, par certains côtés - de Germinal et de La Terre, n’accordera qu’une attention sceptique[13].

 

 

Ainsi, Zola, au-delà d’un wagnérisme plus ou moins affirmé, avoue lui-même affecter  « le plus grand mépris pour l’art des doubles et des triples croches[14] ». Il reproche à la musique de ne pas faire appel à l’intelligence du spectateur mais de s’adresser uniquement à ses sentiments. Ainsi dans « La critique et le public », paru dans Le Naturalisme au théâtre, il parle en ces termes de la musique :

 

Je cours le risque d’ameuter les musiciens contre moi, mais je dirai toute ma pensée. La littérature demande une culture de l’esprit, une somme d’intelligence, pour être goûtée ; tandis qu’il ne faut guère qu’un tempérament pour prendre à la musique de vives jouissances. Certainement, j’admets une éducation de l’oreille, un sens particulier du beau musical ; je veux bien même qu’on ne puisse pénétrer les grands maîtres qu’avec un raffinement extrême de la sensation. Nous n’en restons pas moins dans le domaine pur des sens, l’intelligence peut rester absente[15].

 

Zola reproche donc à la musique son pur aspect sensuel auquel il manque l’aspect intellectuel. L’œuvre musicale n’apporte pas la réflexion nécessaire à la construction du sens critique. Cela est certainement vrai pour les œuvres légères dont se réclament, à l’époque, Offenbach, Rossini puis, plus tard, les véristes italiens. Mais les opéras de Wagner n’apportent-ils pas une réflexion sur le sens de la vie ? Toujours est-il que son futur engagement dans la création lyrique se fera en réaction contre la musique vide de sens. Ses opéras auront ainsi toujours une portée symbolique, formatrice et initiatrice de réflexion sur la condition humaine.

Et Zola de poursuivre son article sur le même ton :

 

Ainsi, je me souviens d’avoir souvent étudié, aux concerts populaires de M. Pasdeloup, des tailleurs ou des cordonniers alsaciens, des ouvriers buvant béatement du Beethoven, tandis que des messieurs avaient une admiration de commande parfaitement visible. Le rêve d’un cordonnier qui écoute la symphonie en la, vaut le rêve d’un élève de l’Ecole polytechnique. Un opéra ne demande pas à être compris, il demande à être senti. [...] Avec la musique, c’est une douce somnolence. Aucun besoin de penser. Cela est exquis. On ne sait pas jusqu’où peut aller la peur de la pensée. Avoir des idées, les comparer, en tirer un jugement, quel labeur écrasant, quelle complication de rouages, comme cela fatigue ! Tandis qu’il est si commode d’avoir la tête vide, de se laisser aller à une digestion aimable, dans un bain de mélodie !

 

Non seulement la musique est vide de sens mais en plus elle abêtit le peuple. Elle le gave de notes et l’empêche de penser. Pour un peu la musique serait un instrument du pouvoir afin de laisser le peuple dans l’ignorance pour mieux le brider, mieux le contrôler. Et il termine ainsi son article :

 

Je dois confesser une faiblesse : le théâtre de l’Opéra, avec son gonflement démesuré, me fâche. Il tient une trop large place, qu’il vole à la littérature, aux chefs-d’œuvre de notre langue, à l’esprit humain. Je vois en lui le triomphe de la sensualité et de la polissonnerie publiques. Certes, je n’entends pas me poser en moraliste ; au fond, toute décomposition m’intéresse. Mais j’estime qu’un peuple qui élève un pareil temple à la musique et à la danse, montre une inquiétante lâcheté devant la pensée[16].

 

La musique étant, pour Zola, le temple de l’aliénation des masses par le pouvoir on comprend mieux les thèmes qu’il aura à cœur de développer dans ses œuvres lyriques, thèmes proches, comme nous le verrons plus tard, de ceux de Germinal et de La Terre.

Au travers de cet article il est aussi plaisant d’imaginer que Zola, assistant aux concerts populaires Pasdeloup, ait rencontré un jeune violoncelliste du nom de Alfred Bruneau qui raconte dans ses souvenirs de jeunesse :

 

Quelques jours après, je reçus une lettre de Pasdeloup : « Monsieur, voulez-vous venir, la saison prochaine, faire de la musique avec nous, aux Concerts populaires ? Je serais heureux d’avoir votre collaboration. » Cette exquise et délicate formule m’enchanta : « faire de la musique avec nous ! » Rien d’autre. Nulle indication matérielle, la question d’argent dissimulée pudiquement. Toute la frémissante passion artistique de Pasdeloup se manifestait dans ses six mots : « faire de la musique avec nous[17] ».

 

Enfin, si Zola parle à mots couverts de l’abêtissement de la musique, il est un compositeur qu’il détruit sans précautions oratoires : Offenbach.

 

C’était infaillible. La Grande-Duchesse obtient en ce moment à Londres un véritable triomphe. Elle a selon l’expression d’un journal, « un parterre de princes ». Toute l’aristocratie anglaise se pâme et lui jette des couronnes. Il n’y a qu’une nation puritaine, roide et guindée, pour aimer à ce point le ragoût épicé d’une parade de foire. [...] En attendant, je crois devoir, pour l’honneur de la France, adresser la protestation suivante au parterre des princes qui applaudit la Grande-Duchesse et son répertoire :

« Mylords,

Nous vous supplions de ne pas croire que les œuvres et l’actrice que vous applaudissez sont le plus bel ornement de notre pays. Nous avons mieux que cela, je vous le jure. Paris n’est pas encore fou à lier, et il y a même parmi nous des gens raisonnables qui n’ont jamais écrit pour les pensionnaires de Charenton.

Vous me voyez tout honteux. J’ai compris combien vos applaudissements étaient ironiques. Vous vous réjouissez, n’est-ce pas ? de nous voir à ce point dans la sottise et dans l’ordure. Vous vous dites qu’un peuple imbécile est facile à vaincre. Ah ! chers voisins, nous vous trouverons à notre chevet, le jour où nous serons devenus gâteux[18].

 

 

Sous couvert d’ironie, Zola défend un art musical national élevé dont la plus parfaite incarnation réside en la personne de Berlioz. Il ne veut pas résumer la vie culturelle et créatrice française à Offenbach en musique et à Cabanel en peinture. Il y a Manet, il y a Berlioz sur lequel il écrit ces mots :

 

Je n’entends pas parler musique, je serais incompétent. Même, je veux me mettre à un point de vue tout particulier, n’étudier chez Berlioz que le génie si longtemps incompris, exaspéré par une lutte ardente de chaque jour, hué et sifflé en France, lorsqu’on l’acclamait à l’étranger, ne triomphant enfin que dans la mort, après avoir traîné pendant six années l’agonie de la chute suprême des Troyens[19].

 

Plus qu’une conception musicale Zola défend le créateur incompris, celui qui, par son audace, a voulu échapper aux facilités, ne s’est pas résolu à plaire à un public mais s’est exprimé selon ses idées, selon son tempérament. Zola, plus qu’un musicien, célèbre un artiste libre et sans compromissions.  

On verra au cours de cette étude comment Zola va redéfinir son engagement face à la musique et ce grâce à l’influence de Bruneau. On a trop souvent dit que Bruneau n’avait existé que grâce à Zola. Osons retourner la formule et prouvons que Zola a existé sur scène en partie grâce à Bruneau.

 

II] Zola et sa collaboration avec Alfred Bruneau

 

Ce fut en mars 1888 que mon ami Frantz Jourdain voulut bien me présenter à Emile Zola. Je ne me doutais guère, au moment où s’ouvrit devant moi la porte du célèbre écrivain, des conséquences extraordinaires qu’aurait pour ma vie d’artiste et même de simple citoyen cette audacieuse visite[20].

 

C’est de cette manière que Bruneau débute le récit de sa collaboration avec Emile Zola. A la fin de sa vie, Alfred Bruneau est conscient que son audace de jeunesse, rencontrer le grand maître de la littérature française, a été à l’origine d’une révolution dans le monde très fermé de la musique lyrique à la fin du XIXe siècle. Que reste-t-il aujourd’hui de cette révolution ? Peu de choses. On ne sait pas ce que la musique de scène doit à la fructueuse réunion de deux artistes aux tempéraments indépendants, qui se refusent à toute compromission vis-à-vis des critiques ou du public.

Cette collaboration aura donné naissance à six œuvres lyriques, amené la vie de tous les jours sur les plus prestigieuses scènes de Paris et des grandes capitales européennes et introduit la prose dans les livrets d’opéras. Toutes choses qui nous sont, aujourd’hui, familières mais qui ne l’étaient pas au temps où Zola et Bruneau utilisaient ces pratiques.

L’étude des textes lyriques écrits pas Zola va donc, non seulement nous éclairer sur un passé historique connu des seuls musicologues et de quelques universitaires, mais aussi nous permettre de donner une cohérence à ce que l’on appelle le « troisième Zola », le Zola de l’après Rougon-Macquart, le Zola des deux derniers cycles romanesques, de la photographie et des œuvres lyriques. Au travers de l’étude du Rêve et de L’Attaque du Moulin, nous étudierons le passage du texte romanesque au texte en vers mis en musique. Avec un texte tel que Messidor nous verrons que les thèmes et les enjeux de l’œuvre sont à rapprocher de romans tels que Germinal et La Terre (pour les Rougon-Macquart) mais aussi de Travail (pour les Quatre Evangiles).

Mais, tout d’abord, attachons-nous aux propres paroles de Zola sur le drame lyrique pour comprendre les enjeux d’un tel engagement du romancier dans l’univers musical qui lui est encore inconnu.

 

1) Zola et le drame lyrique : le naturalisme en musique

Emile Zola est un homme sincère. Epris de vérité et de justice il s’attache, dans ses articles de presse, à exprimer sincèrement ses engagements intellectuels. C’est pourquoi il est nécessaire de s’attarder sur un texte de Zola paru dans Le Journal du 24 novembre 1893 sous le sobre titre « Le drame lyrique[21] ».

                        Ce texte est une véritable profession de foi. Alors même qu’il n’a fait que collaborer à l’élaboration du Rêve et de L’Attaque du Moulin et qu’il ne s’est pas encore essayé à l’écriture proprement dite de drames lyriques Zola déroule en quelques lignes le programme qu’il s’est assigné en la matière pour les années à venir. Dans l’écriture de ses futurs drames lyriques, Zola respectera scrupuleusement les préceptes édictés dans ce texte qui apparaît comme fondateur du Zola librettiste. Quatre points sont principalement développés. Voyons lesquels.

Zola affirme, tout d’abord, la nécessité d’un bon poème dans toute œuvre lyrique. Il analyse les échecs successifs d’un Gounod sous l’angle du texte trop souvent bâclé, d’une intrigue mythico-historique (La Rome Sanglante, Le Tribut de Zamora) qui n’interpelle plus le spectateur avide de modernité. Zola renie le temps où « un poème n’était qu’un prétexte à musique », où le drame lyrique se réduisait à une succession de duos, de trios, d’airs et de chœurs. Zola milite alors en faveur d’un drame lyrique non pas coupé des réalités quotidiennes mais engagé dans le réel. Il réclame le naturalisme à l’opéra qui, seul, est susceptible de l’intéresser :

 

Dans un drame lyrique, selon moi, il doit y avoir un milieu nettement indiqué et des personnages vivants, en un mot, une action humaine que le rôle du musicien est uniquement de commenter et de développer ; et, dès lors, tout va dépendre de cette action, de ce milieu et de ces personnages, car le musicien aura beau dépenser un talent énorme, il n’intéressera pas, il ne pourra faire ni vrai, ni grand, si on le force à lutter contre une histoire baroque et des pantins sans cœur ni cervelle[22].

 

Zola s’oppose donc à tout ce qui, jusqu’alors, l’ennuyait dans l’opéra : les thèmes dénués d’humanité, coupés de la réalité quotidienne. Il prône ainsi l’engagement plus prononcé dans les œuvres lyriques. Zola comprend alors que, à l’opéra et avec le soutien de la musique qui parle directement au cœur du public, il a la possibilité de faire passer le message qu’il ne cesse de développer dans son œuvre romanesque. L’opéra comme outil de propagation des idées naturalistes, voilà ce qui séduit Zola.

Il est clair que Zola laisse peu de place à la musique. C’est sur ce deuxième point qu’il s’exprime ensuite : « Le rôle du musicien est uniquement de commenter et de développer [l’action humaine]. » La musique devient alors un vecteur d’idées, qui parle plus directement à un public large que ne le fait un long roman. Ce qui n’enlève pas au compositeur son mérite et son talent de mettre en valeur le mieux possible un texte qui n’est plus un prétexte mais qui devient le centre de l’œuvre lyrique.

Zola, pourtant, redoute la prééminence du librettiste sur le compositeur. Afin que cela ne soit pas il propose une solution toute simple : le librettiste et le compositeur ne doivent faire qu’un.

 

Je trouve donc qu’il est un peu puéril de discuter sur les parts à faire au librettiste et au compositeur, et j’ai une solution très simple pour les mettre d’accord : c’est que le compositeur soit son propre librettiste. Oui ! ma conviction est qu’aujourd’hui, avec le drame lyrique, le musicien doit écrire lui-même son poème. Je ne m’explique même pas qu’il puisse en être autrement[23].

 

           

 

Zola paraît de ce fait scier la branche sur laquelle il est assis. Lui qui a trouvé du plaisir à collaborer avec Alfred Bruneau, qui bientôt va écrire des livrets pour son ami, ne peut se faire à l’idée d’un drame lyrique à la conception bicéphale. En effet, puisque la musique doit se contenter de souligner et de mettre en valeur les idées émises par le texte il apparaît difficile que deux personnes puissent travailler dans une telle osmose. C’est d’ailleurs la difficulté que va rencontrer Alfred Bruneau dans sa collaboration avec Louis Gallet, le librettiste du Rêve et de L’Attaque du Moulin. Des divergences vont apparaître dans l’élaboration de L’Attaque du Moulin entre les deux hommes  comme le montre cet échange de lettres :

 

Louis Gallet à Emile Zola, juillet 1892

Bruneau vous fera entendre ce qu’il a fait. Ma crainte, entre nous, est qu’il ne fasse pas assez simple. Les personnages me semblent lui apparaître extrêmement grossis. Or, être gros, ce n’est pas être grand. Etre simple au contraire, quelle grandeur cela donne parfois !

Enfin nous allons voir. Tout a bien marché jusqu’ici, tout ira bien jusqu’au bout et la dose de musique indispensable dans cet acte s’y trouvera sans causer le moindre dommage[24].

 

Comme on le voit, les divergences entre le librettiste et le compositeur sont inévitables. En effet, le compositeur, dont la mission est de souligner l’intrigue, se voit nécessairement obligé d’interpréter le texte lyrique. Or, comme toute interprétation, elle peut se trouver loin de ce que voulait exprimer le librettiste. De là les divergences qui, entre Bruneau et Gallet, se multiplieront jusqu’à l’achèvement du drame.

Alors, comment Zola peut-il se risquer à écrire des livrets pour Alfred Bruneau ? La réponse se trouve toujours dans cet article consacré au drame lyrique :

 

Dois-je commettre l’indiscrétion de dire que j’ai tâché d’endoctriner Bruneau, et qu’il s’est dérobé à mon conseil par modestie ? Beaucoup de jeunes compositeurs en sont là, les plus lettrés ont peur, se croient incapables d’écrire une pièce. Ils tremblent d’accepter la double responsabilité de l’œuvre, ils continuent à penser que le poète naît d’un côté et le musicien de l’autre. C’est ainsi que Bruneau s’imagine qu’il ne peut se passer de nous. Le jour où il le voudra, il s’en passera très bien. Je dis ces choses par amour de la vérité, et notre ami Gallet n’en est pas moins un très vaillant poète qui a donné à Bruneau deux chefs-d’œuvre. Lorsqu’on n’écrit pas soi-même son poème, il y a encore une façon de le faire sien, c’est de s’entendre affectueusement avec son poète, au point de n’être plus qu’un[25].

 

Le compositeur et le librettiste ne doivent faire qu’un et c’est en cela que réside la grande réussite de la collaboration Bruneau - Zola. Ce dernier a rapidement su voir en Bruneau un artiste sincère, un homme de parole et un ami en toute circonstance. Bruneau, en faisant rempart de son corps lors du procès Zola de février 1898, a prouvé qu’il était prêt à tout pour protéger celui qui, hasard de la physiologie, lui ressemblait presque comme un frère jumeau. Jean-Claude LeBlond-Zola rapporte d’ailleurs ces paroles de Zola lorsque, rencontrant chez lui pour la première fois le capitaine Dreyfus, il lui présenta en ces termes Alfred Bruneau et son épouse : « Ceux-là sont de ma famille[26] ! »

Enfin, le quatrième point développé dans cet article concerne l’influence de Wagner dans les lettres et la musique françaises. Zola souligne très justement que Wagner est un maître incontournable duquel toute la musique ne peut que découler. Il parle alors de « tyrannie », de « génie despotique ». Pour se dégager de cette influence tout en respectant ce qu’il a largement apporté à la musique, Zola propose un drame lyrique français autre :

 

Alors, je me suis imaginé que le drame lyrique français, tout en partant de la symphonie continue à l’orchestre, qui développe les situations et commente les personnages, tout en ne faisant plus du chant que l’expression des cerveaux et des cœurs, pouvait s’affirmer à part dans la passion, dans la clarté vive du génie de notre race. Je vois un drame plus directement humain non pas dans le vague des mythologies du Nord, mais éclatant entre nous, pauvres hommes, dans la réalité de nos misères et de nos joies. [...] Il me suffirait qu’au lieu de fantoches, au lieu d’abstractions descendues de la légende, on nous donnât des êtres vivants, s’égayant de nos gaîtés, souffrant de nos souffrances. [...] Qu’il y ait des hommes dedans et que de toute l’œuvre sorte un cri profond d’humanité.

                Voilà le mot lâché[27].

 

Cette profession de foi sur le drame lyrique plus humain, plus proche des gens que des dieux, sera respectée dans tous les textes lyriques de Zola. L’écrivain aura à cœur de placer dans ses opéras des personnages tirés du peuple. On lui reprochera d’ailleurs cette dichotomie entre des personnages populaires et les propos, mystiques et symboliques, qu’ils tiennent le plus souvent. Car n’oublions pas que Zola tient à faire passer des idées souvent élevées dans ses drames. Nous trouverons très souvent des thèmes largement wagnériens ( ce que nous développerons en temps voulu) mais toujours avec cette relation au peuple, à l’humanité qui est le maître - mot de cette création lyrique qui désire s’affranchir de la tutelle wagnérienne. C’est cette humanité que l’on retrouve dans le vérisme musical italien. A ceci près que les véristes italiens ne font  pas vibrer la fibre symbolique comme le font Zola et Bruneau.

Nous disions plus haut que Zola, honnête dans ses paroles et dans ses actes, avait respecté les préceptes édictés dans cet article. Alors, passons à l’étude de ses textes lyriques et voyons comment il passe de la théorie à la pratique.

 

2) Du récit au drame lyrique : Le Rêve

Le Rêve est créé à l’Opéra-Comique le 18 juin 1891. Il est le fruit d’une collaboration directe entre Alfred Bruneau et Louis Gallet. Alfred Bruneau  avait obtenu de Zola l’autorisation d’adapter Le Rêve pour la scène lyrique le 1er avril 1888. Il souhaitait à l’origine mettre en musique La Faute de l’abbé Mouret mais le livre avait été confié pour adaptation musicale au maître de Bruneau, Massenet. Pourquoi Zola donne-t-il ce roman, le moins naturaliste des Rougon-Macquart ? Il faut se rappeler que ce roman a été écrit dans un contexte bien particulier. Il fait suite à La Terre roman qui suscita une vive polémique et une violente opposition qui s’incarne dans le Manifeste des Cinq[28] dans lequel cinq écrivains reprochent à Zola sa pornographie et sa débauche. Zola sera d’autant plus touché par ce pamphlet qu’il semble téléguidé par son ami Goncourt. Zola revient donc à une écriture plus assagie. Peut-être alors entrevoit-il la possibilité d’une réhabilitation grâce au roman mais aussi grâce au retentissement que cela pourrait avoir sur une scène lyrique. (plage 3)

Mais Zola ne prend pas part à l’écriture du livret. Trop absorbé par sa rencontre avec Jeanne Rozerot et l’écriture de La Bête Humaine il décide, avec Alfred Bruneau, de confier le livret à Louis Gallet, directeur de l’hôpital Lariboisière et librettiste déjà célèbre de Bizet et Massenet. Zola est d’ailleurs conscient de l’enjeu d’une telle entreprise et s’en fait l’écho dans une lettre du 16 octobre 1888 adressée à Louis Gallet :

 

Je suis très heureux qu’un homme de votre grand talent et de votre grande expérience veuille bien se charger d’un travail qui ne sera pas commode, je le crains[29].

 

 

 

Zola comptait donc ne jouer aucun rôle dans cette entreprise. Tout juste désire-t-il superviser le travail :

 

Ce n’est pas à dire pour cela que je n’aie pas échangé mes idées avec ces messieurs mais je leur laisse tout entière la liberté d’exécution[30].

 

Pourtant, Alfred Bruneau écrit que « le poème du Rêve, retouché par lui [Zola] ultérieurement, contient de nombreux passages dont il est l’auteur[31] ». Il reste donc un travail à faire sur la part amenée par Zola dans cette collaboration à trois.

Dans cette étude nous nous attacherons plutôt à déterminer les mécanismes qui permettent de passer du récit (roman et nouvelle) au texte lyrique afin d’en souligner les conséquences en terme de création - et de recréation - littéraire. Bien sûr, il n’est pas question de faire une étude exhaustive du drame mais de soulever quelques problèmes généraux.

Il faut tout d’abord noter la présence de la musique dans le roman et voir ce qu’en fait le compositeur. En effet, nous pouvons noter dans le roman trois séries d’occurrences musicales : la voix (parlée et non chantée), le chant (religieux) et les instruments (cloches et orgues). Ces appels à la musique parsèment le roman et illustrent l’action dans ses moments les plus forts. Ainsi, lors de la procession du Miracle, les orgues de la cathédrale sont la personnification même de l’évêque :

 

Et les orgues, aussitôt, chantèrent une phrase énorme qui déborda, emplit les voûtes d’un grondement de foudre. C’était monseigneur, encore sur la place[32].

 

Dans le roman les orgues évoquent, la plupart du temps, la menace qui pèse sur Angélique et Félicien. Puis, à partir du chapitre X, les orgues vont accompagner la réalisation du miracle et le mariage des deux jeunes gens :

 

            D’où le miracle allait-il se produire ? Sans doute, du jardin de l’évêché, une main flambante qui lui ferait signe de venir. Peut-être de la cathédrale, où les orgues gronderaient et l’appelleraient à l’autel[33].

 

Jusqu'à la scène finale où le mariage s’accomplit dans un déluge de notes, où les orgues « entamèrent la marche triomphale, dans un tel éclat de foudre, que le vieil édifice en tremblait. ». Les orgues accompagnent donc la réalisation du miracle et ce sont les fondements même de l’Eglise, non pas en tant qu’édifice mais en tant qu’institution, qui vacillent. Dans le drame lyrique les orgues tiennent un statut unique. Dans l’orchestration de Bruneau les orgues font leur apparition au moment où Angélique prononce ces vers :

 

Vous parlerez bientôt à mon père, à ma mère

L’accord pourra se faire en peu de jours[34].

           

Les orgues annoncent donc le mariage futur. Et, logiquement, nous retrouvons les orgues, silencieuses durant tout le drame, lorsque Jean d’Hautecœur donne sa bénédiction au mariage. Ces orgues vont accompagner Angélique jusqu'à la mort car elles sont, pour la jeune fille, synonymes d’allégresse et matérialisent la réalisation de son rêve :

 

            Non ! Non ! ne pleurez pas, je suis heureuse

                Que l’orgue chante ! Oui ! C’est la mort joyeuse,

                J’ai bu toute l’ivresse et vais me reposer

Sur ton cœur ...

                                   Le ciel s’ouvre ! Ah ! noces radieuses !

                Je meurs d’amour sous ton premier baiser !

                                                           Elle expire[35].

 

           

Le drame lyrique reprend également les autre occurrences musicales présentes dans le roman. Les chants religieux sont incarnés par des chœurs invisibles. S’ils installent l’action dans une atmosphère religieuse ils permettent aussi d’incarner les voix qui vont empêcher Angélique de partir avec Félicien :

 

                       

Félicien

                Partons, partons ensemble

                Pour notre beau pays d’azur et d’or.

 

                               Angélique, plus suppliante

                De grâce, une minute encore !

 

               

A travers la symphonie on entend vaguement les voix chantant dans les hauteurs. Angélique, immobile, les yeux fixes, les lèvres entr’ouvertes, s’isole, écoute, dans une extase souriante[36].

 

                Enfin, nous trouvons également ce que l’on peut appeler la musique de la voix humaine. Cette musicalité de la voix est un réel trait de caractère d’Angélique dans le roman :

 

            Il l’écoutait, ravi. Il se grisait de la douceur de sa voix, qu’elle avait d’un charme extrême, pénétrante et prolongée ; et il devait être particulièrement sensible à cette musique humaine, car l’inflexion caressante, sur certaines syllabes, lui mouillait les yeux[37].

 

                            Ce trait caractéristique d’Angélique que Zola reprend plusieurs fois dans son roman est logiquement présent dans le drame lyrique par la partition de soprano que Bruneau réserve au rôle d’Angélique. (plage 4) Zola, lors de la distribution des rôles, s’inquiète de savoir qui va chanter le rôle d’Angélique. Sa conception de l’œuvre fait que le rôle d’Angélique doit être réservé à une chanteuse dont le physique et la voix se rapprochent des caractéristiques d’une jeune fille de dix-huit ans :

 

            Je suis fort heureux, mon cher Bruneau, du résultat de l’audition chez Choudens, et le seul point qui m’inquiète un peu est l’embarras où vous êtes de trouver une Angélique, car ce manque de l’interprète rêvée a arrêté parfois des ouvrages pendant des années. [...] Trouvez donc vite une Angélique[38]. 

 

            Bruneau partage l’avis de Zola à ce sujet et écrit à Louis Gallet qu’il faut pour le rôle d’Angélique une interprète qui soit une « artiste vraie ». Car l’esthétique naturaliste, nouvelle sur la scène lyrique, ne se remettrait pas d’une interprète qui a depuis longtemps perdu la fraîcheur de sa jeunesse comme cela se faisait souvent dans les représentations lyriques de l’époque !

           

La deuxième remarque que nous pouvons faire à l’écoute du Rêve est que la musique de Bruneau va, par l’utilisation de thèmes itératifs, changer l’optique du roman de Zola. L’exemple même s’incarne dans la succession d’accords parfaits qui ouvrent le drame. Ces accords parfaits et massifs donnent une assise solide à l’œuvre. Mais ils sont aussi l’incarnation d’une force qui agit sur tous les personnages. Cette force reste obscure jusqu'à la fin du drame où  cette succession d’accords, repris tels qu’au début, illustre la devise des Hautecœur : « Si Dieu veut, je veux ». (plage 5)

 


 

L’œuvre est donc placée sous la puissance de Dieu, les personnages ne sont pas libres puisqu’ils agissent en fonction d’une puissance qui leur est supérieure. Le Rêve devient donc un drame mystique alors que Zola, dans son roman, s’en tenait à l’évocation d’un romanesque psychologique. Voilà comment le statut d’une œuvre peut changer lors du passage du roman au drame lyrique.

            Enfin, il faut comprendre comment l’intrigue romanesque se révèle malmenée dans son adaptation musicale. Deux exemples vont développer cette idée. Dans le drame, Félicien rencontre Angélique par l’entremise de la pièce de linge qui s’envole, tout comme dans le roman. Une fois les présentations faites les premiers mots de Félicien sont : « C’est que je vous aime[39] ! ». Le raccourci est saisissant alors que dans le roman la rencontre se fait au début du chapitre V et la déclaration tombe à la fin de ce même chapitre, dix pages plus loin. Le drame lyrique est nécessairement une forme courte comparée au roman et ne s’embarrasse que très peu de psychologie d’où un affaiblissement idéologique dans le passage du roman au drame lyrique. Plus loin dans l’œuvre de Bruneau et Gallet, la supplication d’Angélique auprès du  père de Félicien s’achève par un « jamais » définitif. Gallet ajoute cette didascalie « avec compassion » ou encore « avec un sentiment de pitié ». Gallet infléchit le caractère de l’évêque par rapport au roman dans lequel le « jamais » est catégorique et ne laisse aucun espoir à Angélique. Cette modification serait tout à fait acceptable si la musique n’allait pas à l’encontre de cet état psychologique. En effet, à l’écoute de l’œuvre, la compassion de l’évêque ne transparaît pas et la brutalité des notes des instruments graves fait pencher la décision de l’évêque vers celle évoquée dans le roman. Ceci est un exemple typique d’une certaine mésentente entre le compositeur et le librettiste qui fait que, par moment, le drame lyrique sonne faux alors que le roman ne nous laisse aucunement cette impression.

            Enfin, il est nécessaire de parler de la suppression du huitième tableau lors de la première. Le drame s’achève donc sur le miracle et pas sur le mariage qui voit la mort d’Angélique. Jean-Max Guieu remarque très justement que Zola n’était pas très pointilleux sur l’adaptation de ses romans pour la scène et qu’il préférait un spectacle réussi quoique affaibli idéologiquement. Seulement, cette importante modification a forcément laissé des traces. Zola comprend la quasi impossibilité d’une collaboration à plusieurs pour créer un drame lyrique cohérent. Cette expérience est certainement à l’origine de ses paroles, dans son article sur le drame lyrique, concernant la collaboration entre librettiste et compositeur. Donc, si Zola veut déplacer la bataille naturaliste sur la scène lyrique il sera dans l’obligation de ne plus accepter de telles concessions ou alors d’écrire lui-même les textes ...

 

            3) L’Attaque du Moulin

            Cette seconde œuvre, fruit de la collaboration entre Bruneau et Gallet est une demande de Léon Carvalho, directeur de l’Opéra-Comique, heureux d’avoir créé Le Rêve et voulant monter un nouveau drame tiré d’une œuvre de Zola. Alfred Bruneau rappelle qu’avec cette seconde adaptation lyrique le résultat recherché devait s’éloigner de celui obtenu avec Le Rêve :

           

Nous estimâmes nécessaire de traiter un sujet entièrement différent, d’opposer au mysticisme intime qui m’avait tant séduit quelque chose de plus large, de plus général et de plus extérieur. Zola attira mon attention sur L’Attaque du Moulin, l’un des contes des Soirées de Médan, et n’eut pas de peine à me convaincre des avantages qu’il nous offrait. La pièce pouvait, en effet, comporter des chœurs nombreux, des contrastes saisissants[40].

 

                Selon Bruneau, c’est donc sur la proposition de Zola que L’Attaque du Moulin sera adapté à la scène lyrique à l’été 1891, juste après la création du Rêve et dans l’euphorie de son succès. Ce choix d’une nouvelle traitant de la guerre de 1870 n’est pas anodin. Le sujet est plus dans la veine naturaliste que l’action du Rêve. Enhardi par le succès de cette première œuvre Zola éprouve certainement le désir d’imposer un peu plus le naturalisme à l’opéra. Mais il ne faut pas oublier non plus que, depuis le 12 juillet de la même année, Zola a commencé la rédaction de La Débâcle, le grand roman sur la guerre de 1870.

            L’Attaque du Moulin sera, pour ce qui nous concerne, l’objet d’études particulières sur quelques points précis, l’étude de l’œuvre entière étant ici impossible. Nous verrons tout d’abord que la collaboration de Zola à ce drame n’est pas qu’anecdotique et qu’il a réellement écrit des passages versifiés du drame. Puis, nous constaterons que le passage de la nouvelle au texte lyrique s’enrichit d’éléments dramatiques forts. Enfin, nous étudierons comment cette nouvelle œuvre musicale annonce un engagement plus direct de Zola dans le rôle de librettiste.

Le livret de LAttaque du Moulin accueille en son sein un texte écrit de la main de Zola. Ce texte est connu sous le titre des Adieux à la forêt. Dominique, qui refuse d’aider l’ennemi, est enfermé dans une pièce du moulin en attendant son exécution. La scène V de l’acte deux est réservée aux adieux de Dominique qui se sait condamné. Voici le texte écrit par Zola suivi de quelques remarques à son propos (plage 6) :

 

            Le jour tombe, la nuit va bercer les grands chênes.

                Un large frisson passe et la forêt s’endort.

                Elle exhale déjà sa lente et rude haleine.

                L’odeur puissante fume au ciel de pourpre et d’or.

 

                Adieu, forêt profonde, adieu, géante amie,

                Forêt que posséda mon rêve de seize ans,

            Quand j’allais, chaque soir, te surprendre, endormie,

            Défaillant sous ton ombre et perdu dans tes flancs.

 

                Et si, demain, je suis fusillé, dès l’aurore,

                Que ce soit sous tes pins, tes frênes, tes ormeaux.

                Je veux dormir en toi, je veux t’aimer encore,

                Sous l’entrelacement pâmé de tes rameaux.

 

           

Et, si Françoise vient, à genoux sur tes mousses,

                Pleurer, tu mêleras tes sanglots à ses pleurs.

                Vos larmes, dans la nuit, me baigneront, très douces …

                Adieu, Françoise ! adieu, forêt ! chères douleurs[41].

 

            On sait que Zola s’est souvent essayé, dans sa jeunesse, à l’écriture de vers. Mais on ne connaît pas de poésie écrite de la main du Zola romancier. D’un point de vue formel Zola respecte la règle de l’alexandrin, suit le schéma des rimes alternées et de l’alternance rime féminine/rime masculine, forme choisie par Gallet pour l’ensemble du livret.

            Il faut surtout noter le rythme que Zola instille dans ces quelques vers. Pour cette scène de lamentation et de nostalgie Zola choisit un rythme pesant que Bruneau met en musique par une palette d’instruments graves, utilisant les cors dans leur registre le plus grave. Mais Zola, toujours soucieux du rythme, va dans la troisième strophe adopter un tempo plus martial pour dépeindre la détermination de Dominique à mourir. On assiste à une héroïsation du personnage que Bruneau va illustrer par une accélération du tempo sur le vers 9, que Zola a voulu  plus saccadé pour ensuite élargir sur le vers 10 et s’appesantir, créant ainsi un effet de montée dramatique.

                        Cette complainte, remarquable par la force émotive qu’elle diffuse, est à rapprocher du lied allemand. On peut faire ce rapprochement car le livret contient un lied chanté par la sentinelle allemande. Selon le Guide illustré de la musique le lied, en tant que chanson, est un texte dont les strophes ont la même structure (même nombre de vers et de syllabes). Les Adieux respectent cette règle alors que le lied de la sentinelle ne la respecte pas. Les Adieux peuvent faire partie de la catégorie des lieds strophiques, dont la mélodie épouse le rythme des vers et la structure générale des strophes, en traduisant le ton général de l’ensemble du texte sans tenir compte de l’éventuel changement d’atmosphère d’une strophe en particulier. Et Bruneau respecte à la lettre le ton et le rythme insufflés par Zola.

Enfin, la comparaison avec le lied schubertien n’est pas fortuite puisque Schubert mêlait dans ses lieds trois thèmes récurrents : la nature, l’amour et la mort. Ces trois thèmes sont clairement entrelacés dans les Adieux à la forêt de Zola où l’exaltation de la nature accompagne l’amour des amants et adoucit la mort de l’un d’eux.

            Les Adieux à la forêt ne doivent pas être étudiés seuls. Dans L’Attaque du Moulin Gallet et Bruneau réservent une place d’honneur à la chanson, lied ou chant religieux. On trouve le lied de la sentinelle allemande qui est un véritable hymne au malheur de la condition humaine. La sentinelle chante le désespoir qui est le sien, celui d’être éloigné de son amour et d’avoir un avenir compromis par la guerre (plage 7) :

 

            Mon cœur expire et moi j’existe.

                Mon pauvre cœur est toujours fatigué.

                L’amour qui part le laisse triste,

                L’amour qui vient ne le rend pas plus gai.

 

                La joie est courte et le deuil est immense.

                Je n’attends rien du douteux avenir.

                Ah ! que plutôt jamais rien ne commence,

                Puisque, un jour, tout doit forcément finir[42].

 

            Ce lied revient à deux reprises comme une litanie qui se veut dénonciatrice de la guerre. La réussite du livret réside dans le fait que ce soit un soldat ennemi (en l’occurrence allemand) qui clame son désespoir. D’ailleurs Marcelline, véritable héroïne dramatique de l’opéra, souligne les malfaisances de la guerre et ses conséquences humaines que ce soit dans le camp français ou dans le camp ennemi. A la guerre, un soldat est avant tout un humain qui, quelle que soit sa nationalité, souffre :

 

            Marcelline

                               Là ! debout sous le saule,

                Ce soldat ennemi ! Qu’il est fier, jeune et beau !

                               A sa robuste épaule,

                Son lourd fusil n’est qu’un léger roseau.

 

                Il ressemble à mon Jean ! Et, comme lui, sans doute,

                Il se bat bien et va, qui sait ? pauvre étranger,

-Sans larmes, je n’y puis songer,-

Loin des siens tomber mort, sur quelque route,

Dans quelque coin. Le triste sort, hélas[43] !

 

Le lied de la sentinelle correspond à une courte notation dans la nouvelle de Zola. Françoise regarde la sentinelle qui « se tenait immobile, la face tournée vers le ciel, de l’air rêveur d’un berger ». Le développement du rêve de la sentinelle crée un effet dramatique qui oriente l’opéra vers un plaidoyer contre la guerre. Le drame lyrique permet donc d’accentuer le parti pris idéologique de la nouvelle en y incluant ces différents lieder mais aussi en faisant réagir le personnage de Marcelline face aux atrocités de la guerre.

Les lieder ne doivent pas être dissociés du chant funèbre qui accompagne les funérailles de la sentinelle assassinée par Dominique[44] (plage 8) . Le texte, sur une musique funèbre chantée par le chœur des soldats, met en exergue le destin tragique du jeune soldat mort loin des siens et pour une cause qui n’est pas la sienne. Ce chant religieux, placé à la fin de l’acte trois, est largement dramatisé par sa reprise en contrepoint par Françoise, également désespérée par le choix qu’elle doit faire entre la vie de son fiancé et la vie de son père. En huit vers le librettiste et le compositeur mettent en valeur l’atrocité de la guerre pour les gens simples qui ne demandent qu’à vivre simplement.

Enfin, la dernière strophe de ce chant est développée sur le thème principal entendu en ouverture de l’œuvre, plaçant celle-ci directement sous le signe du pacifisme. Sur ce plan, le drame lyrique est moins grinçant que la nouvelle et joue beaucoup plus sur les émotions et sur les effets dramatiques comme cette scène des funérailles d’un soldat ennemi.

Nous venons de voir que le personnage de Marcelline, absent de la nouvelle, donne une force dramatique au drame lyrique. En effet, de la nouvelle au drame, des passages ont disparu. La nouvelle s’achève par la mort de Merlier, de Dominique et du moulin (véritable personnage dans le texte) alors que le drame s’achève uniquement par la mort de Merlier. Cette fin, un peu moins dramatique que la nouvelle, n’est pourtant pas un affaiblissement puisque la force dramatique est distillée dans toute l’œuvre par les interventions de Marcelline ainsi que par les Adieux à la Forêt qui, en quelque sorte, replacent la mort de Dominique au centre du drame, comme une éventualité à laquelle il ne saurait échapper, tenant ainsi le spectateur en haleine jusqu’au dénouement.

La force de l’opéra, par rapport à la nouvelle, réside aussi dans le basculement qui se fait au profit de l’ennemi. La nouvelle raconte dans tout un chapitre la bataille que mènent les troupes françaises. Cette bataille se résume en deux vers dans le drame pour laisser place à l’armée ennemie. C’est donc en souffrant avec l’ennemi que le spectateur va s’indigner contre la guerre, faisant ainsi disparaître l’égoïsme inhérent à tout conflit guerrier.

En manière de conclusion sur cette œuvre nous allons voir comment Zola va être amené à écrire lui-même des livrets pour Bruneau sans passer par Louis Gallet. La correspondance entre Zola et Bruneau montre les tensions qui se faisaient jour entre le compositeur et son librettiste.

Zola a également dû céder en ce qui concerne la datation de l’intrigue. En effet, le directeur de l’Opéra-Comique n’était pas prêt à mettre sur scène des soldats allemands trente ans à peine après la guerre de 1870. Le drame a donc été replacé dans le contexte de la Révolution Française. Cette concession, propre à affaiblir le parti pris idéologique, s’est transformée en atout. Le livret ne propose pas de datation historique. Le drame est ainsi à la fois intemporel et universel. Par là, il est l’œuvre la plus susceptible d’être jouée de nos jours puisqu’il nous parle de problèmes qui sont toujours les nôtres, au contraire de ceux évoqués dans Le Rêve. Pourtant, Alfred Bruneau s’est, malgré tout, permis d’insérer des notations historiques à caractère ironique. Avec l’arrivée des troupes françaises, celles de Napoléon III, Bruneau fait jouer un fifre qui est l’emblème musical des troupes napoléoniennes, celles de Napoléon Ier. On ne peut que trouver de l’ironie derrière cette référence au Napoléon vainqueur de nombreuses batailles face au Napoléon du désastre de Sedan. (plage 9)

Après le succès de cette œuvre il semble que Zola ait souhaité un engagement plus concret de sa part. Le 31 décembre 1893 Zola a achevé l’écriture de Lazare, le premier livret écrit de sa main et qui ne sera mis en musique qu’après sa mort. Mais, selon Bruneau, Zola désirait resserrer ses liens de travail avec son ami :

 

Depuis l’achèvement de L’Attaque du Moulin nous n’avions cessé de songer à d’autres pièces qui, signées de Zola seul, resserreraient encore davantage notre collaboration déjà si intime. Mais il nous fallait substituer aux vers, usuels alors en matière de livret, la prose qui était considérée généralement comme l’ennemie barbare de la musique, et que Zola entendait uniquement employer[45].

 

C’est donc une nouvelle orientation dans cette collaboration qu’il s’agit d’étudier maintenant. Nous verrons quel débat s’est instauré avec l’introduction de la prose dans les livrets lyriques. Avec Messidor, nous replacerons les œuvres lyriques de Zola dans leur rapport avec l’œuvre romanesque de l’écrivain. Mais il s’agira aussi d’évoquer les livrets que Bruneau n’a pas mis en musique. Enfin, nous évoquerons le travail de Bruneau après la mort de Zola et les adaptations qu’il a faites de Naïs Micoulin ou de La Faute de l’abbé Mouret. Il faudra alors réserver une place de choix à l’étude du livret et de la musique de Lazare, véritable poème symphonique dédié à la mémoire de l’écrivain disparu.

 

                                              

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Les dates entre parenthèses désignent l’année de création de l’œuvre et non sa date d’écriture.

[2] Alfred Bruneau : Souvenirs inédits, Revue internationale de musique française, n°7, février 1982, p. 13

[3] François Porcile, La belle époque de la musique française, Fayard, 1999, p. 16

[4] Frédéric Robert, La musique française au XIXe siècle, P.U.F. ? Que sais-je ?, 1963-1991, p. 39

[5] Ibid., p. 41

[6] Frédéric Robert, op. cit., p. 49

[7] Claude Debussy, La Revue Blanche, 18 mai 1901, p. 41

[8] Georges Favre, Musique et Naturalisme : Alfred Bruneau et Emile Zola, La pensée universelle, 1982, p. 120

[9] Charles Koechlin, Les tendances de la Musique Moderne Française, in Encyclopédie Lavignac, Delagrave, 1925, Tome I, p. 76

[10] Emile Zola, Lettre à Marius Roux du 9 février 1968, Correspondance, II, p. 114, Université de Montréal et C.N.R.S

[11] Henri Mitterand, Zola, Tome I. Sous le regard d’Olympia, Fayard, 1999, p. 612

[12] Correspondance, Tome II, p. 115, note 3

[13] Henri Mitterand, op. cit., p. 612

[14] Colette Becker, Dictionnaire d’Emile Zola, Robert Laffont, 1993, article « Musique »,  p. 276

[15] Emile Zola, Œuvres complètes, Cercle du Livre Précieux, Hachette 1962, sous la direction d’Henri Mitterand, Tome 11, p. 317

[16] Emile Zola, op. cit., p. 318

[17] Alfred Bruneau, op. cit., p. 29-30

[18] Emile Zola, O.C. XIII, p. 117-119

[19] Emile Zola, De la critique, « Hector Berlioz », Charpentier, 1923, p. 320-327

[20] Alfred Bruneau, A l’ombre d’un grand cœur, Slatkine Reprints, 1980, p. 9

 

[21] Emile Zola, O.C. XV, p.830-834

[22] Emile Zola, op. cit., p. 830

[23] Ibid., p. 831

[24] Jean-Max Guieu, Le théâtre lyrique d’Emile Zola, Fischbacher, 1983, p. 47

[25] Emile Zola, op. cit., p. 831

[26] Jean-Claude LeBlond-Zola, Préface de A l’ombre d’un grand cœur, Slatkine, 1980,

[27] Emile Zola, op. cit., p.832

[28] Le Manifeste des Cinq fut publié le 18 août 1887. Il fut signé par Paul Bonnetain, Joseph-Henry Rosny, Lucien Descaves, Gustave Guiches et Paul Margueritte.

[29] Emile Zola, Correspondance, Tome VI, p.343

[30] L’Evénement, 2 novembre 1888

[31] Alfred Bruneau, op. cit., p.18

[32] Emile Zola, Le Rêve, O.C. V, p.1261

[33] Ibid., p.1274

[34] Alfred Bruneau et Louis Gallet, Le Rêve, Charpentier, 1900, p.23

[35] Ibid., p. 65

[36] Louis Gallet, op. cit., p.48

[37] Emile Zola, op. cit., p.1224

[38] Correspondance, VII, lettre 12

[39] Bruneau, op. cit., p.21

[40] Alfred Bruneau, op. cit., p. 39

[41] Louis Gallet,  L’Attaque du Moulin, Charpentier, 1893, p. 32-33

[42] Louis Gallet, op. cit.,  p. 39

[43] Ibid., p. 40

[44] Louis Gallet, op. cit., p. 50

[45] Alfred Bruneau, op. cit., p. 72

Retour à la page d'accueil