Chapitre II

Zola librettiste : cohérence du « troisième Zola »

 

Le 27 décembre 1893, Zola et Bruneau assistent à la première représentation, au palais Garnier, de Gwendoline, d’Emmanuel Chabrier et Catulle Mendès. A cette occasion, les directeurs de l’opéra, Eugène Bertrand et Pedro Gailhard, leurs offrent une loge à la condition qu’ils écrivent un drame lyrique pour l’Opéra. Zola avait déjà songé à un drame, Messidor, qui se déroulerait au fil des quatre saisons. Zola avait eu cette idée avant l’écriture de Lazare puisque le 30 décembre 1893 Bruneau lui écrit qu’il « pense constamment à Messidor, qui est une chose admirable[1] ».

Zola devient donc le librettiste de Bruneau. Louis Gallet, malgré ses qualités, est écarté au profit d’une double collaboration entre deux amis qui, nous le verrons, incarneront la fusion totale entre le compositeur et le librettiste que Zola prônait dans son article sur le théâtre lyrique.

Cette collaboration donnera trois œuvres mises en musique du vivant de Zola. Ce sont ces œuvres qu’il s’agit d’étudier maintenant en voyant leurs liens avec les romans de Zola mais aussi leur parenté musicale avec Wagner. Cette étude devra se faire après avoir rappelé quelle fut la révolution, dans le milieu musical, de l’introduction de la prose dans les œuvres lyriques.

 

I] La révolution de la prose dans les œuvres lyriques

1) Messidor : de Germinal à Travail

Représenté le 19 février 1897 au Palais Garnier, Messidor est une œuvre riche par son intrigue, par les thèmes musicaux développés et par les questions qu’elle soulève tant dans sa relation avec la tradition lyrique qu’avec l’ensemble de l’œuvre de Zola. L’intrigue est résumée par l’écrivain dans Le Figaro du 17 février 1897 alors que la musique est expliquée par Bruneau en même temps. La pièce narre la misère des paysans, anciens chercheurs d’or, dans les montagnes de l’Ariège. Les paysans, dont Guillaume et Véronique sa mère, sont réduits à cultiver une terre asséchée par Gaspard, constructeur d’une usine qui capte l’eau des montagnes afin d’en récolter son or. Guillaume est amoureux d’Hélène, la fille de Gaspard. Mais Véronique apprend à son fils que Gaspard est l’assassin de son père et que leur mariage est impossible. Arrive  de la ville Mathias, un cousin de Guillaume, qui crie sa révolte et veut détruire l’usine de Gaspard. Véronique raconte alors la légende de l’Or qui dit que, dans la montagne, existe une grotte dans laquelle « l’Enfant Jésus, assis sur les genoux de sa mère, prend sans cesse à poignées le sable de la source, qui sans cesse retombe de ses petites mains en pluie d’or ; et, si jamais un vivant découvrait l’entrée secrète, pénétrait dans la cathédrale d’or, tout croulerait, l’or à jamais disparaîtrait[2] ». Le drame s’achève sur l’anéantissement de l’usine et sur le retour d’une terre féconde. Mathias se révèle être le véritable assassin de Gaspard avant de se jeter dans un ravin. Ainsi, l’antique faute disparaît et le mariage de Guillaume et Hélène devient possible.

La première innovation de Messidor tient dans l’utilisation de la prose. En effet, le vers était de rigueur dans les œuvres lyriques et notamment celles jouées à l’Opéra. Des tentatives avaient déjà été faites notamment avec Gounod qui avait dû renoncer à mettre en musique le texte en prose de Molière Georges Dandin. Massenet prit le relais de Gounod avec Thaïs en 1894. Le livret était tiré par Louis Gallet du roman d’Anatole France. Il fut le premier livret écrit en vers blancs. Louis Gallet, en s’écartant de la versification traditionnelle, avait très certainement dû être influencé par les idées d’Alfred Bruneau. Messidor est donc la première œuvre lyrique en prose avant Fervaal de Vincent d’Indy (écrit en 1895 mais créé après Messidor), avant Louise de Charpentier et avant Pelléas et Mellisande de Debussy. On voit donc que Zola et Bruneau ouvrent une voie nouvelle dans le champ de la création lyrique.

Mais Zola s’était, déjà bien avant, posé la question de la prose. Dans Le Naturalisme au Théâtre, il réclame un théâtre d’un style nouveau :

 

On prétend qu’il y a un style pour le théâtre. [...] Je ne nie pas l’éclat de cette langue mais j’en nie la vérité. [...] Un jour on s’apercevra que le meilleur style, au théâtre, est celui qui résume le mieux la conversation parlée, qui met le mot juste en sa place, avec la valeur qu’il doit avoir. Les romanciers naturalistes ont déjà écrit d’excellents modèles de dialogues ainsi réduits aux paroles strictement utiles[3].

 

Zola réclame donc la prose afin d’aboutir à une plus juste vérité des dialogues. Cette volonté de la prose donne à Messidor un caractère romanesque indéniable. Mais Zola avait aussi conscience de la médiocrité de ses vers. S’il veut écrire un livret pour Bruneau il est donc obligé de le faire en prose. C’est d’ailleurs ce qu’il confie dans sa lettre à Paul Alexis du 1er décembre 1881 :

 

Eh bien ! Je veux dire que si, pour ma grande honte à coup sûr, je m’étais entêté à faire des vers, j’aurais protesté contre ce mouvement que je juge déplorable. Notre poésie française, après l’épuisement de la veine superbe de 1830, trouvera son renouveau dans un retour au vieux bon sens national, à l’étude vivante des douleurs et des joies de l’homme. [...] Ma seule vanité est d’avoir eu conscience de ma médiocrité de poète et de m’être courageusement mis à la besogne du siècle, avec le rude outil de la prose. [...] Chateaubriand dit dans ses Mémoires : « J’ai écrit longtemps en vers avant d’écrire en prose. M. de Fontanes prétendait que j’avais reçu les deux instruments. » J’ai, moi aussi, écrit longtemps en vers avant d’écrire en prose ; mais, si j’ignore ce qu’aurait prétendu M. de Fontanes, je sais bien que je me refuse totalement l’un des instruments, et qu’il y a des jours où je ne m’accorde pas même l’autre[4].

 

Il faut enfin souligner que c’est à Bruneau que Zola doit cette décision d’écrire des livrets en prose :

 

Mon opinion est moins arrêtée en ce qui concerne la substitution de la prose aux vers, pour l’écriture du livret. [...] Bruneau estime que le vers a tort d’introduire un rythme particulier dans un autre rythme. Il s’y connaît mieux que moi. Il doit avoir raison[5].

 

Le remplacement des vers par la prose constitue alors une véritable libération de l’action dramatique dans l’esprit de Bruneau et Zola. Nous allons voir comment.

Messidor est une œuvre intéressante lorsque elle est mise en regard avec la révolution wagnérienne. Bruneau et Zola se défendent de vouloir faire du Wagner à la française et ils n’ont de cesse d’en souligner les différences, les écarts. L’intrigue de Messidor fait immédiatement penser à celle de L’Or du Rhin. Cet opéra de Wagner voit la lutte pour la possession de l’or du Rhin entre les Filles du Rhin, le nain Alberich, roi des Nibelungen, Wotan et les deux géants Fafner et Fasolt. Il est aussi question d’un anneau fait avec l’or du Rhin qui porte malheur à qui le possède. On retrouve cet anneau maléfique dans Messidor sous la forme du collier magique de Véronique « qui donne le bonheur aux êtres purs, qui force les coupables à se livrer[6] ». Messidor s’achève sur la disparition de l’or de la région comme L’Or du Rhin conclue sur les gémissements des Filles du Rhin qui pleurent la perte de l’or. Les similitudes sont donc nombreuses mais diffèrent sur un point capital. Alors que Wagner place l’action au sein de la mythologie nordique, Zola déroule l’intrigue au milieu des humains, des paysans pauvres de l’Ariège. C’est en cela que l’œuvre lyrique zolienne est hautement naturaliste. Le souci de Zola est de faire une œuvre pleine de Vérité et d’Humanité. Et Zola va défendre la spécificité de son poème face aux attaques des wagnériens convaincus. C’est ce qu’il fait dans sa lettre à Louis de Fourcaud, publiée dans Le Gaulois le 23 février 1897 :

 

Dites-le, soyez franc, vous ne voulez pas de moi dans le temple de Parsifal, et vous avez raison. Car je suis pour l’amour qui enfante, pour la mère et non pour la vierge ; car je ne crois qu’à la santé, qu’à la vie et qu’à la joie ; car je n’ai mis mon espérance que dans notre travail humain, dans l’antique effort des peuples qui labourent la bonne terre et qui en tireront les futures moissons du bonheur ; car tout mon sang de Latin se révolte contre ces brumes perverses du Nord et ne veut que des héros humains de lumière et de vérité[7].

 

La différence entre Wagner et Zola est donc immense d’un point de vue idéologique et philosophique. Ce qui n’empêche pas Bruneau d’utiliser un trait caractéristique de la musique wagnérienne : le leitmotiv.

Le leitmotiv est un thème musical qui illustre un aspect du poème et qui revient au fil de l’œuvre en fonction du déroulement de l’action. Dans Messidor, les leitmotive sont nombreux. Bruneau les met en évidence dans son article « La Musique » paru en regard de l’article de Zola sur Messidor. Nous trouvons ainsi le thème de l’or « dont l’aspect se modifiera selon les circonstances et qui se trouvera renversé chaque fois qu’il sera question du mauvais or[8] », le thème de l’été et du labeur (plage 10) ou celui de l’amour (plage 11). Ce thème est d’ailleurs très caractéristique. Il se fait entendre, pour la première fois dans la scène IV du premier acte, lorsque Guillaume offre un verre d’eau à Hélène. Le leitmotiv est introduit par un tutti de cors, repris par les violons puis par les trombones, donnant à ce thème une certaine ampleur. Puis, dans la scène V (plage 12), après une montée dramatique des cordes vers les aigus et une accélération du tempo, le thème d’amour revient lorsque Véronique révèle à Guillaume que son père a été assassiné par Gaspard, le père d’Hélène, et que son mariage avec cette dernière est impossible. Ce thème d’amour est alors malmené ; il est d’abord joué en fond accompagnant une phrase : « Ose donc aimer maintenant la fille de l’assassin[9] ! », les cordes réalisent des arpèges rapides et aigus, puis le thème d’amour est confié aux trombones qui, dans un registre grave, vont conclure le premier acte sur un mode menaçant. Et ce leitmotiv revient dans le poème à chaque évocation de l’amour des deux jeunes gens jusqu'à la scène finale qui développe ce thème comme un hymne triomphal lorsque Hélène et Guillaume échangent le serment de leur amour

 

                Hélène

Je le [le collier] porterai comme le luxe même de notre amour, afin que tu m’aimes plus encore et qu’il soit l’éternel lien de nos cœurs.

                Guillaume

Ah ! Chère Femme, l’unique, la nécessaire et l’adorée ! Maintenant, les grands blés mûriront, le vieux logis s’emplira de beaux enfants rieurs[10].

 

Bruneau, par l’utilisation de ces leitmotive, donne à sa musique une puissante force d’illustration du poème de Zola et remplit le vœu de ce dernier d’une musique qui accompagne, illustre et amplifie les enjeux du livret.

Messidor renferme en son sein un ballet qui fut, et reste, au cœur de nombreuses discussions (plage 13). Ce ballet, la Légende de l’Or, placé au début de l’acte III, illustre l’entrée de Véronique dans la grotte où se tient l’Enfant Jésus dans les bras de la Vierge. Dans l’esprit de Véronique, pénétrer dans cette grotte c’est tarir la source d’or et ruiner l’usine de Gaspard. A la création de Messidor, ce ballet fut au centre de polémiques entre Zola et Bruneau d’un côté et Bertrand et Gailhard, les directeurs de la salle, de l’autre. Zola et Bruneau trouvaient le décor mauvais et les directeurs de l’Opéra obligèrent l’usage du « tutu » alors que les artistes exigeaient l’emploi de costumes pour les danseuses. A la répétition générale, ils jugèrent le tout si grotesque qu’ils voulurent supprimer le ballet. Bertrand et Gailhard résistèrent et déplacèrent le tableau au début du drame, ce qui rendit le ballet « incompréhensible et saugrenu alors qu’il était le point culminant de la pièce[11] ».

 

 

 

Mais au-delà de ces divergences de mise en scène se pose la question du statut de ce ballet. Jacques Tchamkerten, dans une série d’émissions donnée à la Radio Suisse Romande[12], donne à Messidor un statut mystique qu’il trouve incohérent dans l’œuvre d’un Zola très peu porté sur la religion. Il me semble que c’est très mal lire le livret et dénaturer les intentions de Zola. La destruction de l’usine par une avalanche est, pour Véronique, la conséquence de sa découverte de la grotte d’or. Mais Zola, dans son article du Figaro, précise que Véronique représente « l’antique foi, qui n’attend rien que du destin ». Plus loin, il poursuit en précisant que la vision de Véronique est la conséquence d’une « hallucination de sa foi ». Véronique est donc la représentation de la religion mal comprise, d’une religion où les mythes sont pris au pied de la lettre. Véronique est une mystique qui défend l’idée de miracle face aux positivistes qui expliquent la marche du monde par la science. Et c’est ce débat qui est mis en œuvre dans Messidor : l’antique foi contre la moderne science. Ce ballet n’est donc pas une complaisance envers la religion mais bien une critique de la crédulité populaire qui fausse la réalité du monde.

Puisque nous venons de poser la question de la cohérence de Messidor dans l’œuvre de Zola il est nécessaire de rapprocher ce drame lyrique des romans passés et à venir de l’écrivain en cette année 1897. De par son titre Messidor est, bien sûr, à rapprocher de Germinal. Deux mois révolutionnaires pour titrer deux œuvres dans lesquelles la révolution est en action. Germinal avait, en son temps, semé les fruits de la révolte. Messidor (le don de la moisson) peut apparaître comme la récolte des bienfaits qui ont été semés dans Germinal. Ces deux œuvres rapportent l’histoire d’une révolte contre un patronat oppresseur qui appauvrit sa région plus qu’il ne l’enrichit. De Germinal à Messidor les similitudes sont nombreuses. Mathias est un Souvarine, un anarchiste qui ne conçoit l’avenir que par la destruction. Nous trouvons la même scène de réunion dans la forêt, au clair de lune, avant la marche sur l’usine ou sur la mine. Mais, dans Messidor, l’issue est en faveur des révoltés qui voient la destruction de la machine qui appauvrissait la terre. Gaspard, le patron, devient alors plus pauvre encore que les paysans qui l’entourent. Et celui-ci finit par fraterniser avec les paysans alors que la terre a retrouvé sa fécondité d’antan. A une fin tragique, Zola substitue une fin heureuse où la fécondité de la terre symbolise le printemps, la fécondité des hommes et l’espoir d’un avenir enfin meilleur. Cette fin idéaliste correspond totalement à l’esprit du « troisième Zola », du Zola des Evangiles. Peut-on y voir un renoncement, un affaiblissement idéologique d’un Zola fatigué par tant d’années de combat ? Bien sûr que non. Il semble que depuis très longtemps l’utopie est, pour Zola, un élément nécessaire. Le 10 février 1877, dans une lettre[13] adressée à Yves Guyot, directeur du Bien Public, Zola répond aux attaques des républicains qui lui reprochent d’avoir, dans L’Assommoir, commis « une mauvaise action en représentant le peuple sous des couleurs aussi abominables ». Et voici ce qu’il écrit à propos du naturalisme et de l’idéalisme :

 

Dans la politique, comme dans les lettres, comme dans toute la pensée humaine contemporaine, il y a aujourd’hui deux courants bien distincts : le courant idéaliste et le courant naturaliste. J’appelle politique idéaliste la politique qui se paie de grandes phrases toutes faites, qui spécule sur les hommes comme sur de pures abstractions, qui rêve l’utopie avant d’avoir étudié le réel. J’appelle politique naturaliste la politique qui entend d’abord procéder par l’expérience, qui est basée sur des faits, qui soigne en un mot une nation d’après ses besoins[14].

 

Zola sous-entend donc que l’utopie ne peut précéder une étude naturaliste de la vie mais que cette même utopie peut être mise en œuvre après avoir étudié les maux qui malmènent l’humanité. L’utopie n’est donc pas une hérésie lorsqu’elle succède à une étude naturaliste du monde. Et c’est ce schéma que Zola réalise en passant de Germinal à Messidor : Germinal comme état des lieux du monde des ouvriers, Messidor comme remède possible et utopique aux problèmes posés précédemment. Messidor, le don de la moisson, récolte ce que Germinal, ce qui germe, a semé.

Mais, pour clore le débat sur l’utopie zolienne, laissons la parole à l’écrivain lui-même qui, dans sa correspondance, ne cherche pas à se justifier à ce propos et invoque la liberté illimitée de l’artiste :

 

Merci de votre bonne lettre, mon cher Brulat. Vos remarques sont fort justes. Mais n’ai-je pas le droit, après quarante ans d’analyse, de finir dans un peu de synthèse ? L’hypothèse, l’utopie, est un des droits du poète[15].

 

Ce passage du naturalisme à l’idéalisme est également très révélateur lorsque l’on compare Messidor au grand roman de Zola sur les paysans qu’est La Terre. Dans Messidor il n’est plus question de traiter du monde rural et paysan au travers des problèmes de la vie quotidienne. Les paysans de La Terre sont les paysans que Zola a rencontrés en Beauce ou à Médan. L’écrivain peint la vie du paysan dans son duel de chaque jour avec la terre, ses mœurs, ses idées politiques et religieuses ; il le montre dans toutes ses facettes, à la fois avare et amoureux de sa terre, sensible et monstrueux à la fois. En un mot, Zola pose les problèmes du monde agricole et tente d’en faire une analyse. Rien de tout cela dans Messidor. Zola se défend bien d’avoir voulu mettre en scène des paysans comme dans son roman. Son poème participe d’une vision plus large que la simple analyse d’une classe sociale donnée. Le projet de Zola est simplement de mettre en scène des symboles tels que le Travail, la Justice et l’Humanité. Ces termes récurrents dans l’œuvre de Zola vont ainsi trouver leur développement dans Messidor. L’intrigue et les personnages de ce drame auront alors pour simple fonction de donner corps à ces concepts abstraits. C’est d’ailleurs, à peu de choses près, en ces termes que s’exprime Zola au lendemain de la création de Messidor dans une lettre adressée à Louis de Fourcaud, critique musical au Gaulois :

 

Pourquoi réaliste ? Qui vous a parlé de cela ? C’est un poème lyrique, et très lyrique, des personnages d’épopée, que j’ai voulus aussi grands que ceux d’Homère, une action très haute, très générale, exaltée en plein symbole. Vous me jugez donc bien sot, si vous vous imaginez que j’ai fait parler là des paysans[16].

 

Zola tente ici de dissiper un malentendu qui court toujours à notre époque. Zola n’a jamais été un romancier réaliste comme ses poèmes lyriques ne sont pas réalistes. Si l’on parle d’opéra naturaliste c’est qu’il faut ajouter au réalisme de l’action la part (de plus en plus grandissante chez Zola) symbolique qui donne à ses œuvres lyriques un côté universel et intemporel. Si de nombreux critiques musicaux de l’époque se sont empressés de cataloguer l’œuvre lyrique de Zola comme étant réaliste il semble qu’ils aient mis tout autant d’empressement à mettre Louise de Charpentier sous l’étiquette naturaliste. Or, nous verrons, en conclusion de cette étude, le fossé qui sépare Charpentier de Zola et Bruneau.

Enfin, il serait dommage de ne pas mettre en relation Messidor avec Travail, le second volet des Quatre Evangiles. Tous deux sont un hymne au travail et défendent un même idéal : le travail comme source de bonheur et non comme torture et souffrance. Alors que la machine grinçante de Gaspard s’effondre, l’usine de Luc Froment s’édifie avec, pour fondations, le modèle utopique de Fourier associant dans un phalanstère travail, capital et intelligence. La destruction de l’usine de Gaspard est aussi symbolique que l’incendie des aciéries Qurignon. Avec ces deux usines disparaissent la misère, l’exploitation et les passions égoïstes. Mais, si dans Travail, la modernité se perpétue dans l’usine de Luc Froment elle est définitivement annihilée  dans Messidor. De l’une à l’autre de ces œuvres, la machine semble confrontée à un statut différent. Dans Messidor, la machine est synonyme de pauvreté et d’exploitation. Elle ne peut avoir de statut différent et sa destruction se veut définitive pour un retour au travail manuel, plus proche de la terre. Bruneau, dans sa musique, va d’ailleurs faire entendre cette machine comme un monstre grinçant aux sonorités proches du Pacific 231 (1923) de Arthur Honegger. Ici, nulle rédemption pour la machine. Dans Travail, l’optique est  autre. La machine permet à l’homme de construire un monde plus juste. Seule la machine qui va à l’encontre du bonheur humain est amenée à disparaître. La machine devient donc un élément indissociable de la modernité dès lors qu’elle est mise au service de tous les hommes et ne sert plus les égoïsmes d’un seul. D’ailleurs, Zola s’est toujours montré un fervent admirateur de la modernité. Ses photographies de l’Exposition Universelle de 1900 montrent cette attirance pour la machine. Denise, dans son livre de souvenirs sur son père, se rappelle de l’intérêt que portait celui-ci à tout ce qui touchait à la technique :

 

Après avoir songé à choisir une verrerie pour cadre de son œuvre, il s’était, en effet, décidé pour une aciérie. Et je m’ explique maintenant l’attrait qu’exerçait sur mon père la galerie des machines, au Champ de Mars, pendant l’Exposition de 1900. Nous y passions des heures. Mon père regardait, écoutait, visiblement intéressé ; moi, j’avoue que ces masses de fer, de roues, tournant dans un vacarme indescriptible, ne m’amusaient pas du tout, tandis que Jacques suivait notre père pas à pas et l’accablait de questions[17].

 

Ainsi, de Germinal à Travail, Messidor permet de soulever de nombreuses questions quant à la cohérence de l’œuvre zolienne. Ces différentes comparaisons permettent d’unifier l’œuvre de Zola et de mieux comprendre la cohérence qu’il y a entre le second et le troisième Zola. Entre ces deux facettes de l’écrivain il n’y a pas rupture mais bien continuité. Une analyse plus poussée ne pourra que renforcer cette vision d’un Zola cohérent malgré la diversité de son œuvre et des outils artistiques utilisés.

 

 

 

2) L’Ouragan : le leitmotiv érigé en art

L’Ouragan ne suit pas immédiatement la création de Messidor. Entre ces deux opéras vient s’intercaler Violaine la Chevelue que nous évoquerons dans la partie consacrée aux livrets restés sans musique. L’Ouragan reste comme une œuvre de la maturité : maturité du compositeur qui, arrivé à la quarantaine, possède toutes les arcanes de la composition et maturité du librettiste qui vient d’écrire son quatrième livret et qui a su profiter des critiques émises lors de  ses précédents ouvrages.

L’intrigue de L’Ouragan est simple. Alors qu’un ouragan fait des ravages en mer Richard est obligé d’accoster à l’île de Goël qu’il a quittée depuis longtemps. Accompagné de Lulu, une jeune enfant exotique, il retrouve deux sœurs : Jeanine, qui l’aime toujours mais qui a épousé son frère Landry, et Marianne qui est devenue la maîtresse de l’île. L’ouragan des éléments va déchaîner l’ouragan des passions. Jeanine désire retrouver l’amour de Richard. Alors Landry, fou de jalousie, cherche à se venger, poussé par Marianne. Mais c’est lui qui mourra, tué par Marianne, incapable de voir périr Richard. Ce dernier comprend que le meurtre de son frère l’empêche à jamais d’aimer Jeanine. Il reprend donc la mer vers d’autres voyages, toujours accompagné de Lulu qui symbolise l’espérance.

Ce qui frappe immédiatement à l’écoute de cette œuvre c’est le lien qui unit si intimement la musique au livret. Chaque variation des sentiments des personnages se traduit par une variation de la musique. Le début de l’Acte I est un dialogue entre Gervais, inquiet pour ses petits-fils partis en mer, et Jeanine plus optimiste. Les craintes du pêcheur sont rendues par un unisson dans le registre grave de l’orchestre dès le début de l’œuvre qui souligne à la fois le calme trompeur de la mer et les craintes fondées du vieux pêcheur. La gaieté de Jeanine quant à elle, est rendue par des effets d’instruments aux sonorités plus aiguës comme la clarinette (« Mais le ciel est pur, la mer est calme. ») ou la flûte traversière (« Mon bon Gervais, tu te trompes, il fait si clair et si doux[18] ! ») (plage 14). Le revers de ce continuel cheminement musical dans les méandres des passions humaines est l’impossibilité d’entendre un thème développé sereinement. Nous avons alors, par moment, l’impression que les thèmes musicaux sont mis bout à bout, sans lien logique fort.

 

 

Pourtant, ce relatif défaut d’écriture est contrebalancé, dans L’Ouragan, par la force et la beauté des préludes mis au début de chaque acte (plage 15). Ces préludes ont pour rôle d’exposer les thèmes principaux qui seront développés dans le corps de l’opéra. Le thème qui fonde cette œuvre reste le leitmotiv de la mer (plage 16). Sa courbe mélodique, montant et descendant, figure les ondulations de la mer. Ce thème va alors subir des transformations tout au long de l’œuvre à l’image de  la mer. Ces transformations ont été relevées par Etienne Destranges (musicologue dont nous étudierons la place dans la collaboration  Zola-Bruneau) et répertoriées dans un synopsis[19]. A ce thème viennent s’ajouter d’autres phrases musicales qui représentent les personnages, les lieux ou les sentiments. On peut ainsi déceler le leitmotiv du refuge, du navire, des pêcheurs, de Goël, de Gervais, de la Menace, du Désir ou de l’Orgueil. Nous pouvons ainsi compter dix-sept thèmes annexes aux quarante-deux variations du leitmotiv de la mer. Cette profusion montre à quel point le compositeur a travaillé et ciselé son œuvre afin qu’elle corresponde au mieux au texte de son ami. Mais, lorsqu’il suffit d’une notation à l’écrivain pour indiquer le caractère changeant d’un personnage il faut, au compositeur, inventer un thème et l’orchestrer.

Tout ceci afin de montrer le parallèle qui peut être fait entre l’œuvre littéraire de Zola et l’œuvre musicale de Bruneau. Zola, dans ses romans, s’est attaché à décrire la variation des sentiments humains au contact des réalités sociales diverses. Bruneau agit de même dans ses opéras et fait réagir sa musique au contact de l’intrigue, quelle que soit la complexité de cette dernière. Pour en revenir à ces préludes, ces résumés de l’opéra restent les témoins du foisonnement musical qui menait Bruneau. Et seul un travailleur acharné tel que lui était capable de relever un tel défi : celui de mettre en musique le foisonnement littéraire d’Emile Zola.

L’Ouragan nous permet également un rapprochement thématique avec l’œuvre de Wagner. En effet, le drame s’achève sur le désespoir de Richard, forcé de reprendre la mer. Richard se voit ainsi obligé d’endosser le rôle du Hollandais Volant, ce capitaine condamné à errer sur les océans à moins qu’il ne soit délivré par la fidélité d’une femme, et que Wagner a utilisé pour son opéra Le Vaisseau fantôme. Et c’est bien en cela que réside le drame de l’opéra. Richard aime Jeanine mais il s’est enfui, ne croyant pas cet amour réciproque. Et il revient sur l’île de Goël, forcé par la tempête. Il ne peut alors résister au besoin de revoir Jeanine. Mais celle-ci est mariée à Landry. Leur amour est donc définitivement impossible. C’est pourquoi Richard est condamné à errer éternellement en mer. Cette errance est évoquée à la fin de l’œuvre, de la bouche même de Jeanine (plage 17) :

 

                Richard

Régnez avec votre sœur. Consolez-la et qu’elle vous console. A toutes deux, je souhaite la paix, l’éternel beau temps que ne trouble aucun orage ... Moi, je pars à jamais. Et, si mon amer souvenir peut vous être de quelque douceur, gardez-le comme le parfum de l’amour le plus fort, celui qui ne s’est point contenté.

 

                Jeanine

Garde aussi le nôtre, et qu’il parfume ta continuelle fuite, dans la solitude[20].

 

Richard s’en va pour son voyage éternel et c’est ce que nous retenons principalement de cette œuvre car celle-ci s’achève sur ces dernières paroles de Richard :

 

Adieu, adieu, à jamais, pour l’éternel voyage, par l’infini des mers[21] !

 

Pourquoi Zola a-t-il éprouvé le désir de reprendre ce thème du Hollandais Volant ? La question se justifie quand nous avons à l’esprit ce que Wagner a su en faire en 1843. Pour répondre à cette question il est peut-être nécessaire de se replonger dans la biographie de l’écrivain au courant de l’année 1896. Zola sort d’une grave crise conjugale due à sa liaison avec Jeanne Rozerot. Cette situation instable fatigue l’écrivain qui a besoin de sérénité afin de poursuivre son œuvre. Zola semble ainsi prisonnier de l’ouragan des passions qui déchaîne son foyer. Au travers de L’Ouragan peut-être cherche-t-il à crier son besoin de sérénitude. D’ailleurs Wagner fait directement le lien entre le mythe du Hollandais Volant et le besoin de quiétude :

 

La figure du « Hollandais volant » est une création poétique et mythique du peuple. Dans sa signification la plus générale, elle exprime avec une saisissante énergie le désir primordial de repos de l’être humain. Ce trait est, dans sa signification la plus générale, l’aspiration au repos après les tempêtes de la vie. Dans la sérénité du monde hellénique, nous le trouvons dans les errances d’Ulysse, dans sa nostalgie de la patrie, de la maison, du foyer et de la femme, de tout ce qu’il y a de réellement accessible au fils joyeux de l’antique Hellas et,  finalement, est possédé par lui[22].

 

A l’écriture de L’Ouragan, Zola est donc en quête de cette quiétude mais aussi de la fidélité, non pas de sa femme, mais de sa propre fidélité. Car sa liaison avec Jeanne ne va pas sans une culpabilité forte de la part de l’écrivain. Mais les événements vont faire que l’ouragan, chez Zola, ne se limitera pas à son intimité familiale. L’Affaire Dreyfus, le procès de 1898 puis l’exil de onze mois sont un ouragan qui va dévaster la vie de l’écrivain. L’Ouragan apparaît alors presque comme une œuvre prémonitoire. Là aussi le rapprochement est facile avec Wagner. Quand celui-ci écrivit le Vaisseau fantôme il était à Paris. Et voici ce qu’il écrit à propos de sa villégiature :

 

Je me sentais exilé à Paris et c’est ce qui m’inspira la nostalgie de la patrie allemande ; mais cette nostalgie ne s’adressait pas à quelque chose d’ancien et de connu à reconquérir, mais à quelque chose d’inconnu, d’attendu et désiré [...]. C’était bien la nostalgie de mon Hollandais volant à la recherche de la Femme, [...] de la femme rédemptrice, dont les traits ne se présentaient pas à moi avec certitude et qui hantait mon esprit surtout et seulement comme l’élément féminin ; et cet élément se traduisait ici par cette expression : la Patrie, c’est-à-dire l’ensemble des choses intimes et familières, que je n’avais encore jamais connu, mais après lequel précisément je ne faisais qu’aspirer comme à la réalisation de ce mot « patrie »[23].

 

Cette longue citation de Wagner est presque un résumé de l’état d’esprit de Zola lors de son exil anglais. Sa correspondance est pleine de cette quête de la féminité, du besoin d’avoir auprès de lui Alexandrine et Jeanne. Mais Zola ressent également le besoin de retrouver sa patrie qui, pour un temps, l’a banni. Zola est ainsi comme Richard et comme le Hollandais volant. Il est en quête de la fidélité d’une femme. Non plus une femme de chair mais une entité féminine qui a pour nom « patrie ». Son exil (disons son errance) prendra fin lorsque la patrie saura être fidèle à l’engagement de l’écrivain et reconnaîtra qu’il agit pour le propre bien de son pays.

Laissons une fois de plus la conclusion à Zola qui, dans une lettre adressée à Charpentier, jette sur toute cette affaire un regard désabusé, du plus profond de son exil :

 

[...] Mais vous avez raison, mon vieil ami, nous vivrons longtemps encore sur des ruines. Et notre vie va être changée, tellement l’ouragan aura fait de désastres[24].

 

Cette souffrance de l’écrivain ne s’est jamais tant lue dans son œuvre que dans ces œuvres lyriques. Ces dernières prennent donc une importance plus grande qu’on n’a bien voulu leur prêter jusqu’ici. Et c’est cette souffrance qu’il faudra encore détecter dans le dernier opéra écrit par Zola et mis en musique par Bruneau : L’Enfant Roi.

 

           

3) L’Enfant Roi ou la fin d’un conflit issu de l’enfance de Zola

L’Enfant Roi reste un opéra à part dans l’œuvre lyrique de Zola. Il se différencie des précédents livrets pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ce drame fut créé après la mort de l’écrivain : le 3 mars 1905. Il n’a donc pas bénéficié des attentions de l’écrivain quant à sa mise en scène, ce qui explique peut-être son peu de diffusion. Cette pièce fut jouée douze fois et ne fut jamais reprise. De L’Enfant Roi on ne connaît également aucun enregistrement sonore. Nous ne pourrons donc pas ici faire une analyse de la musique (qui, elle-même, ne reçut que des éloges lors de sa création), analyse seulement possible avec l’étude de la partition. Mais au-delà de ces différences historiques L’Enfant Roi se distingue par le milieu dans lequel se déroule l’intrigue. En effet, tous les drames précédents imposaient une certaine distance avec le public. Ces drames n’évoquaient jamais le monde du public qui se rendait à l’opéra. Or, ici, le drame se déroule à Paris, dans un temps qui peut très bien être celui du public. Zola abolit donc les distances géographiques ou historiques pour réaliser un drame qui s’inspire directement du quotidien du public mais également de son propre quotidien.

Curieusement, c’est autour de ce quotidien que vont se cristalliser les critiques. Alors que l’on reprochait auparavant à Zola d’écrire des livrets trop symboliques et trop éloignés des préoccupations du public on lui reproche maintenant de poétiser le réel, de mettre le vulgaire sur la scène lyrique. Avec le recul, il semble pourtant que c’est cela qui fait la réussite littéraire de L’Enfant Roi. C’est dans cette œuvre que l’on retrouve le plus l’auteur des Rougon-Macquart. L’histoire de Madeleine, déchirée entre son amour pour François son mari et pour Georget, le fils qu’elle a eu d’un précédent amour, reprend de nombreux thèmes déjà exposés dans les romans de Zola. La boutique des boulangers, avec sa ribambelle de pains, évoque la boutique des époux Quenu du Ventre de Paris. D’ailleurs ce roman est largement convoqué puisque Zola reprend l’image du ventre à peu près dans les mêmes termes que dans son roman :

 

Ce Paris qui toujours mange, qui chaque matin a besoin de sa ration, pour son écrasant travail du jour ! Du pain, du pain, il faut toujours du pain au géant dévorateur ! Et il n’y a jamais trop de blé, trop de farine, c’est par panerées, par charretées, qu’on jette le pain à l’insatiable faim de Paris !

Va, pauvre homme, pauvre boulanger que le deuil frappe, aie le cœur en morceaux, la cervelle à l’envers, traîne-toi dans ta maison en larmes et quand même il te faudra commander, surveiller, travailler la nuit, pour la faim du monstre ! Tu n’as pas droit au sommeil, au néant, il faut du pain, du pain, du pain, pour Paris qui dévore et qui enfante[25].

 

Et c’est bien Paris qui, une fois de plus, tient le rôle de personnage d’arrière fond, qui toujours transparaît dans les actions des personnages. Zola évoque le quartier de la Madeleine avec son marché aux fleurs ainsi que le jardin des Tuileries. Les décors sont tous faits pour installer le public dans un monde qu’il connaît et qu’il apprécie pour ses caractères bucoliques. Et c’est dans cette « ville-champêtre » que Zola installe son drame, pas seulement le drame en tant que texte théâtral mais le drame en tant que souffrance de l’écrivain.

L’action est toute centrée sur le personnage de l’enfant et sur la relation que les parents adoptent vis-à-vis de lui. Georget est l’enfant de Madeleine. Pour François, il est l’enfant que lui n’a pas su donner à son épouse. Zola reprend le drame de l’enfant absent du foyer, qu’il évoquait déjà dans Le Rêve. Mais, ici, il introduit un élément supplémentaire qui est celui de « l’enfant de l’autre » :

 

François

                Jaloux d’un enfant, je suis jaloux d’un enfant ! Est-ce possible d’être tombé à cette misère ? Moi qui en souhaitais un de tout mon désir éperdu, moi qui l’aurais adoré de tout mon cœur attendri ! L’enfant, c’est la joie et le bonheur nécessaires, c’est l’âme sans laquelle la maison ne peut vivre.

                Mais l’enfant d’un autre, non, non ! cela me déchire. Si je suis jaloux, c’est que l’autre est toujours là, c’est que cet enfant d’un autre m’a volé mon enfant à moi, l’enfant que j’attendais de ma femme tant aimée. Et ma maison est à jamais vide, jamais je n’y verrai l’enfant naître et grandir[26] !

 

                Cette souffrance de ne pouvoir accepter l’enfant d’un autre alors qu’on l’a tant désiré soi-même n’est autre que la souffrance ressentie par Alexandrine Zola lorsqu’elle prit connaissance du foyer adultérin de son mari et des deux enfants qui y vivaient. Dans L’Enfant Roi Zola semble vouloir exorciser toutes les souffrances causées par l’enfant : la peur du foyer vide, celle de l’enfant illégitime. Et Zola va régler son compte à toutes ces peurs issues de l’enfance. Car Georget représente également l’enfant qui n’a pas de père. L’absence du père est une constante de l’œuvre zolienne, comme un miroir de son propre manque. Dans les Rougon-Macquart les pères sont morts (comme celui de Jeanne Granjean dans Une Page d’amour) ou incapables d’assurer le rôle de père (comme Aristide Rougon dans La Curée). Dans L’Enfant Roi Georget va retrouver le père qui lui a manqué et Zola va clore définitivement cette blessure intime :

 

                        François

                Malgré moi, j’ai plaidé sa cause. J’ai tant rêvé d’en avoir un de toi ! je le sens si nécessaire à notre bonheur ! Chassé d’ici, il serait là sans cesse à nous séparer. Qu’il reste et qu’il nous réunisse !... Prends-le, garde-le, et qu’il soit notre fils à tous les deux ! (Il le met dans ses bras.[27])

 

                Et ce n’est peut-être pas un hasard si ce père retrouvé se prénomme ici François en un rappel, inconscient ou non, de François Zola, le propre père disparu de l’écrivain.

            Nous ne pouvons enfin passer sur la symbolique qui transparaît au travers de ces personnages directement tirés de notre quotidien. Madeleine représente, selon Jean-Max Guieu, la « Femme idéale zolienne, bonne et aimante, à la fois épouse et mère » alors que François est l’incarnation de l’homme en tant qu’Epoux et Travailleur[28]. Georget, pour sa part, est le symbole de l’enfant qui amène le bonheur malgré tout, à la fois porteur de joie et de paix alors qu’il a engendré la discorde et le malheur. Et c’est en ce sens que s’achève l’œuvre ; c’est ce message que Zola désire avant tout faire passer sous le couvert d’une intrigue faussement banale :

 

                       

Georget

                Oh ! Mère bien-aimée, oh ! Père qui m’accueille, c’est la paix que je veux apporter dans la maison heureuse, par ce beau matin de Paris ensoleillé !

 

                               François

                Oui, Madeleine, Georget, la maison enfin est vivante et féconde,, dans le matin, dans le clair soleil, dans la gaieté chantante du bon pain que Paris mange !

 

                               La Grand-Mère

                Tu apportes la paix. Par ce beau matin de Paris, tu apportes la joie, ô Georget !

 

                               Madeleine

                Mon François, mon Georget, la maison est joyeuse et prospère ! Paris s’éveille, il faut que Paris ait du pain, pour la besogne géante de son enfantement[29].

 

                Et à nouveau sont liés les concepts de Travail et de Fécondité qui sont le socle et le terreau du « troisième Zola ».

 

            II] Deux livrets restés sans musique et une ébauche

            Comme le Zola romancier le Zola librettiste est un être fécond. L’écriture de livrets étant plus rapide que sa composition musicale il reste des textes de Zola qui n’ont pas été mis en musique pour des raisons diverses. Violaine la Chevelue, écrit avant L’Ouragan, est écarté par les deux collaborateurs en raison de son caractère répétitif comparé à Messidor. Zola considérait en effet que Violaine la Chevelue « transposait dans le domaine du surnaturel l’idée réaliste de Messidor[30]. » Sylvanire ou Paris en Amour est le dernier poème écrit par Zola, achevé quelques jours avant sa mort. Bruneau renonce à en faire la musique et préfère se consacrer à Lazare, pièce à laquelle nous réserverons un plus long développement par la suite.

            Ainsi, même si ces deux poèmes sont restés sans musique et ont été dédaignés par Zola lui-même il n’en reste pas moins qu’ils nous apprennent beaucoup sur l’état d’esprit du Zola librettiste. Nous allons donc faire résonner ces pièces avec  l’ensemble de l’œuvre de l’écrivain ainsi qu’avec L’eau qui passe, drame lyrique resté à l’état d’ébauche.

 

            1) Violaine la Chevelue : Retour à la féerie des premiers contes

            C’est évidemment le cadre choisi par Zola pour recevoir l’action qui pose immédiatement problème. Dans cette atmosphère féerique les nobles et les gens du peuple s’ingénient à favoriser ou à empêcher la floraison du printemps et du bonheur. Léandre aime la Reine des Fées, Floriane, et le Roi Silvère aime Violaine à la chevelure d’or. Mais c’est sans compter sur Faustine et le Capitaine Albéric, qui tentent de lui arracher le trône. Finalement, Silvère pourra épouser Violaine dont la chevelure coupée repousse miraculeusement et Léandre, le poète, succombe au baiser mortel de la fée. Avec la chevelure de Violaine revient alors le printemps, apportant avec lui le bonheur et la fécondité, signes d’un nouvel âge d’or.

            Cette ambiance féerique et mythique ne peut que nous rappeler les premiers contes écrits par Zola comme La Fée Amoureuse (1859). Comme dans ce conte, une fée, ici Floriane, favorise une mortelle afin de lui faire trouver l’amour. Car cet amour est le signe d’un retour au printemps. Au terme de cette œuvre le baiser de Violaine et de Silvère va apporter le miracle du printemps et favoriser la nature féconde :

 

                        Violaine

                Grand Dieu ! quelle sève ardente, ton baiser a fait jaillir de moi !

Silvère

                Miracle ! La vie est née en nous, ta chevelure s’est fleurie de roses !

                               Nérée, Célie, Luce

                Miracle, miracle ! C’est la floraison annoncée, le prodige qui fleurit la femme de la vivace chevelure de jeunesse et d’amour[31].

 

            Et c’est bien comme cela que s’achève La Fée Amoureuse. La fée, émue de l’amour des deux amants, les métamorphose en tiges de marjolaine. De l’amour naît la nature :

 

            Soudain Loïs et Odette furent changés en tiges de marjolaine, mais de marjolaine si belle qu’il n’y a qu’une fée pour en faire de pareille. Elles se trouvaient placées côte à côte, si près l’une de l’autre que leurs feuilles se mêlaient. C’étaient là des fleurs merveilleuses qui devaient rester épanouies, en échangeant éternellement leurs parfums et leur rosée[32].

 

                Mais il n’y a pas que dans les contes de jeunesse qu’il faut chercher l’inspiration de Zola à l’écriture de ce drame. Cette longue chevelure flamboyante de Violaine n’est pas une idée nouvelle pour Zola. Rappelons-nous les dernières pages de Nana :

 

           

Et, sur ce masque horrible et grotesque du néant, les cheveux, les beaux cheveux, gardant leur flambée de soleil, coulaient en un ruissellement d’or. Vénus se décomposait[33].

 

                Avec Violaine, la Vénus aux longs cheveux ne connaît pas ce pourrissement. Au contraire de Nana, Violaine engendre la fécondité de la nature en une sorte de rédemption de la demi-mondaine qui, malgré sa chevelure d’or, n’a su engendrer que le mal. Et cette idée de rédemption d’un personnage des Rougon-Macquart ne semble pas une idée isolée dans ce drame. En effet, que dire du Roi Silvère si ce n’est qu’il apparaît comme une réhabilitation du Silvère de La Fortune des Rougon. Ce Silvère reste l’un des personnages les plus attachants de l’œuvre zolienne qui revit et réalise sa destinée de mener le monde dans Violaine la Chevelue.

           

Malgré tout, Violaine la Chevelue reste largement ancré dans l’état d’esprit du Zola des dernières années. Qu’est cette œuvre si ce n’est l’histoire de la quête de l’âge d’or, quête déjà illustrée par Messidor et par les Quatre Evangiles ? La lutte entre les seigneurs et le peuple qui se fait jour dans Violaine la Chevelue n’est autre qu’une répétition de la lutte entre le patronat et les ouvriers dans Messidor. Mais Zola tend plus vers le symbolisme, symbolisme qui, selon Henri Mitterand, se lit également dans l’ébauche de L’Eau qui passe, texte non publié dont il serait intéressant d’avoir une copie afin d’en mieux étudier le contenu :

 

            La fille du fleuve a entraîné dans l’amour et dans la mort l’homme des forêts. L’eau triomphe de l’arbre. Si ce drame avait été achevé, il aurait marqué, plus encore que ses autres pièces lyriques, une évolution de Zola vers le théâtre symboliste[34].

 

                Cette ébauche donne, une fois encore, une cohérence au « troisième Zola ». On comprend mieux l’écrivain qui recherche une prose davantage tournée vers le symbolisme que vers le concret des Rougon-Macquart. Mais cette tendance symboliste n’enlève rien aux idées que Zola désire exprimer. Ces idées sont les mêmes que dans ses romans. Seul le traitement diffère.

 

           

 

 

2) Sylvanire ou Paris en Amour : Une relecture antithétique de Nana

            « Sylvanire ou Paris en amour, titre que je préfère pour plusieurs raisons, avance[35]. » Le choix du titre n’est ici pas anodin. En effet, si Sylvanire est le personnage central du drame Paris prend une place tout à fait considérable, avec plus de force encore que dans L’Enfant Roi. Paris sert de décor de fond au premier acte. Les didascalies nous donnent une vue de Paris proche de celles vues dans Une Page d’Amour :

 

            Au fond, une vaste baie fermée de grands rideaux. Lorsque les rideaux sont ouverts, on aperçoit l’immensité de Paris, la coulée de la Seine, avec les ponts, jusqu’aux lointaines tours de Notre-Dame ; tout l’admirable horizon qui se déroule des hauteurs de Passy[36].

 

            Ce Paris n’est plus un ventre qui engloutit les cultures maraîchères mais un dévorateur qui favorise les passions humaines, les exalte pour le meilleur (l’amour) et pour le pire (la mort). Et c’est bien ce qui arrive à Sylvanire, la danseuse de l’Opéra, et à Gilbert, le sculpteur. Leur amour va se trouver freiné puis rompu par la passion de Sylvanire pour son art, art exalté par le public parisien auquel elle ne peut échapper. Car, au premier acte, Paris est le terreau dans lequel fleurit la danseuse :

 

            Et que Paris soit le complice, Paris dévorateur, avec tout ce qu’il roule jusqu'à ma fenêtre de passion et de vie, avec l’haleine odorante de ses femmes. Paris, Paris ! l’immense champ d’amour où Sylvanire a fleuri comme une fleur vivante et souveraine[37] !

               

Mais ce Paris va empêcher Sylvanire de renoncer à la scène et, par là, détruire son amour pour Gilbert qui, de dépit, va se suicider. La pièce s’achève alors sur la mort de Gilbert et nous allons voir Paris passer du statut de donneur d’amour à celui de donneur de mort :

 

                        Gilbert

                Paris, Paris étincelant ... Il m’avait donné mon amour, il est là qui en reçoit le dernier souffle ... [...]

                               Godefroid

                Mon pauvre petit !... Ah ! Paris qui mange les cerveaux et les cœurs, Paris qui tue et qui enfante[38] !

 

                Paris en Amour reprend donc des thèmes chers à Zola comme Paris ou l’absence du père. Curieusement Zola ne tente pas de brouiller les pistes. Ses allusions sont claires, voire limpides. Prenons pour exemple l’allusion aux Quatre Evangiles qui se lit dans tous les drames lyriques de Zola à mots plus ou moins cachés. Dans cette dernière pièce cette allusion est largement explicite et vaut qu’on la cite dans son entier tant elle est systématique :

 

                        Les poètes et les savants

                O Paris ! toi dont le génie flambe comme un astre, nous t’acclamons, nous, les poètes et les savants, qui sommes ton cerveau toujours en enfantement de chefs-d’œuvre et de bienfaits, ô Paris, ville auguste d’où la Vérité s’envole chaque jour pour sauver le monde !

Les ouvriers et les ouvrières

                O Paris ! toi dont la forge ne s’éteint jamais, nous t’acclamons, nous, les ouvriers et les ouvrières, qui sommes tes bras toujours en branle, donnant le pain, la joie et la santé à ton peuple, ô Paris, ville auguste d’où le Travail s’envole à chaque heure pour sauver le monde !

Les jeunes hommes et les jeunes femmes

                O Paris ! brasier d’amour, de désir et de création, nous t’acclamons, nous, les jeunes hommes et les jeunes femmes qui sommes ton avenir, les amants passionnés et féconds, ô Paris, ville auguste d’où la Vie s’envolera pour sauver le monde !

Les quatre chœurs

                O Paris ! splendeur unique enchanteresse, libératrice, nous t’acclamons, nous t’exaltons, nous, tous les enfants, ton passé, ton présent, ton avenir, ô Paris, Paris, ville auguste d’où la Justice et la Paix s’envoleront pour sauver le monde[39].

 

                Les quatre évangiles zoliens sont tous bien présents comme sont convoqués dans cette œuvre tous les personnages qui ont fait la trame romanesque de Zola. Les artistes, les ouvriers, les aristocrates passent dans cette œuvre qui se veut un résumé de la carrière littéraire de son auteur. Ce retour sur le passé est troublant quand on sait que Sylvanire est la dernière œuvre écrite par Zola et qu’il s’est empressé de l’achever avant son retour fatal à Paris.

            L’originalité de cette œuvre réside pourtant ailleurs. Dans ce récit de la vie d’une danseuse nous pouvons clairement lire l’antithèse de Nana. Sylvanire a en commun avec Nana de venir du peuple. Toutes deux sont des artistes de scène et nous retrouvons autour de cela de nombreux passages communs : la présence des flatteurs et des courtisans, la scène des coulisses, le comte qui entretient l’artiste, le rejet de la scène puis le retour, le suicide, ...

            Mais toutes ces scènes communes aux deux œuvres ont des sens totalement opposés. Le comte qui entretient Sylvanire est plus un père qu’un amant, et Sylvanire elle-même est le contre-pied de Nana car elle est passionnée par son art et n’est pas attirée par l’argent que cela rapporte :

 

            Jusqu’ici, elle n’a été que passionnée de son art, reconnaissante au comte de ce qu’il a fait pour la mettre en vue. Mais, dans son mépris de l’argent, le jour où elle aimerait, elle serait capable de lâcher tout du soir au lendemain, de retourner au gai pavé de Paris, en délicieuse créature de vie libre et d’amour ingénu[40].

 

            Et c’est ici que réside le drame puisque Sylvanire est capable de renoncer à l’argent mais incapable de renoncer à son art alors que Nana, si elle pouvait rejeter son art, ne pouvait pas renoncer à la richesse. La danse est alors le moteur du drame. Zola semble d’ailleurs fasciné par cet art en ne rejetant pas l’élément traditionnel qu’est le ballet. Il intègre donc un ballet dans la majeure partie de ses drames à la condition que celui-ci ait un sens véritable dans la pièce.

            Ici, la danse, en dehors du ballet, a un sens très fort. Sylvanire s’incarne tout d’abord dans le rôle de Mélusine, « la femme en qui le serpent renaît un jour par semaine », puis en Salomé, la fille charmeuse et cruelle, qui a du sang à ses pieds d’ivoire[41]. » La danse apporte donc l’amour mais aussi la mort et c’est bien ce qui arrive à Gilbert puisque, par Sylvanire, il connaîtra l’amour et finalement la mort.

            La mort n’est également pas anodine dans ce drame. Ici, c’est l’art qui engendre la mort, au même titre que L’Œuvre :

 

                        Gilbert

                Va, va, laisse-moi mourir, et retourne à ton art, puisque tu as préféré ton art à mon amour[42].  

 

            Et Gilbert meurt comme Claude, vaincu par l’art qui est plus puissant que tout. Sa mort se fait alors devant son unique œuvre, qui est ici la statuette représentant Sylvanire en Mélusine :

 

                       

Gilbert

                Oui, le serpent chez Mélusine ... (Il lui montre la statuette.) Tiens !regarde-toi, tes pieds d’ivoire ont du sang ... Et te voilà Salomé, avec ta danse tout éclaboussée du sang d’un juste[43].

 

                L’art engendre donc l’amour puis, finalement, la mort. Ce constat fait dans L’Œuvre est réitéré dans Sylvanire  avec d’autant plus de force que Gilbert est lui-même un artiste et qu’il meurt du fait de l’art de sa compagne.

            Sylvanire réagit ainsi largement avec deux des romans phares des Rougon-Macquart, ce qui va dans le sens de notre démonstration. La lecture antithétique de Nana peut se lire jusque dans le courant musical représenté. L’art de Nana se rapproche beaucoup de celui d’Offenbach, compositeur honni par Zola. Sylvanire est une anti-Nana comme Bruneau est un contre modèle d’Offenbach. Toujours est-il que les œuvres lyriques, quel que soit leur symbolisme, quel que soit leur lyrisme, ne sont pas coupées des romans précédents de Zola. A ce titre leur étude permet de donner une cohérence à l’œuvre de l’écrivain, objectif principal de cette étude.

            Nous allons alors terminer ce chapitre par l’étude d’un dernier texte de Zola, Lazare, pour comprendre, une nouvelle fois, que le Zola librettiste n’est pas séparé du Zola romancier.

 

III] Alfred Bruneau après la mort d’Emile Zola

            1) Bruneau : compositeur et librettiste

Avec la mort de Zola, Alfred Bruneau perd plus qu’un collaborateur. Il perd son ami le plus cher. Zola était pour Bruneau comme un père qui avait permis au jeune compositeur d’occuper le devant de la scène. Alors, la fidélité de Bruneau à la mémoire de son ami sera infaillible. Cette fidélité se lit bien sûr dans le livre qu’il a écrit sur leur collaboration mais aussi dans la gestion de leur œuvre commune.

Jusqu'à sa mort Bruneau s’est attaché à mettre aux programmes des festivals ou des concerts des œuvres (ou des extraits) issues de leur travail commun. Le Rêve et L’Attaque du Moulin seront régulièrement repris dans les théâtres parisiens jusqu'à la seconde guerre mondiale et même pendant la guerre. Pourtant, en 1919, Madame Zola, dans son légitime souci de préserver l’œuvre de son mari, retire à Bruneau l’autorisation d’adapter toute œuvre de Zola, « pour cette raison que le compositeur a « trahi » son ami en modifiant L’Attaque du Moulin dans une nouvelle version lyrique du texte[44]. » Ce terme de trahison a fortement choqué les descendants de Bruneau et il est nécessaire de comprendre le fond de la polémique.

Cette brouille entre Madame Zola et Alfred Bruneau serait due à la version de concert faite par le compositeur de L’Attaque du Moulin. Cette version adoucit fortement le texte original puisqu’elle place les fiançailles à la fin du drame, et non pas au début. Ce changement donne effectivement un tout autre aspect à l’œuvre. Mais Zola, de son vivant, était déjà coutumier du fait. On se rappelle qu’il n’hésita pas à supprimer le dernier tableau du Rêve, modifiant ainsi la force dramatique du texte. Il faut également préciser qu’il n’était pas rare, à cette époque, que le compositeur modifie son œuvre en fonction de la salle dans laquelle elle serait jouée. Nous possédons ainsi le livret de La Faute de l’abbé Mouret, annoté par Bruneau. Celui-ci a fait des ajouts, des modifications, des coupes afin que son drame puisse être dirigé par son ami Gabriel Pierné. Sur la couverture du livret il est écrit : « A modifier pour Pierné ». On voit donc qu’il était tout à fait habituel de modifier une œuvre en fonction du public qui était visé. C’est cette coutume que Madame Zola aura sûrement mal comprise dans sa volonté de défendre l’œuvre de son mari.

La fidélité du compositeur à l’égard de son librettiste se lit également dans les drames que Bruneau a tirés des textes de Zola. En 1906, Bruneau fait jouer Naïs Micoulin à Monaco. Puis il écrit La Faute de l’abbé Mouret. Enfin ce roman aura connu une adaptation lyrique. En 1906, Bruneau crée Les Quatre Journées tiré de la nouvelle de Zola Les Quatre Journées de Jean Gourdon. Bruneau réalise ainsi le rêve de Zola de voir le compositeur être son propre librettiste. Il faut d’ailleurs avouer que Bruneau fait un excellent librettiste et que ses talents d’écrivain occasionnel ne sont plus à prouver.

Que Bruneau ait voulu tirer un drame de La Faute de l’abbé Mouret montre quelle constance avait le compositeur dans sa mémoire pour son ami. Il faut se souvenir que Zola était séduit à l’idée de voir son roman mis en musique. Dans un article du Gil Blas du 10 janvier 1890 Zola confie même à Lucien Puech qu’il est prêt à en écrire le livret « dans le style de L’Arlésienne[45] ».

Ces livrets font également preuve d’une grande fidélité vis-à-vis des œuvres originales. Bruneau ne fait aucun ajout de personnages ou d’action. Il respecte scrupuleusement la structure même des ouvrages de Zola. Tout ceci va, bien sûr, dans le sens d’un respect total pour l’œuvre de son grand ami. Nous allons voir maintenant qu’avec Lazare la fidélité de Bruneau confine à la dévotion.

 

2) Lazare : Le testament lyrique d’Emile Zola

A la mort de Zola, Alexandrine offre à Alfred Bruneau le texte de Lazare écrit à la fin de l’année 1893. Ce texte n’avait toujours pas été mis en musique, son auteur ayant préféré laisser la place à Messidor, écrit dans le même temps. Bruneau va donc composer en quelques mois une musique pour faire de ce texte un oratorio en un acte (plage 18).

Le Lazare de Zola reprend bien évidemment le mythe de l’Evangile mais sa fin et sa morale sont totalement opposées au texte biblique. Dans cet oratorio la mère, l’épouse et l’enfant de Lazare supplient Jésus de le ressusciter. Jésus hésite puis se plie au désespoir des trois personnages. Il réalise son miracle mais Lazare, revenu du monde des morts, regrette le sommeil éternel qu’il vient de quitter et supplie à son tour Jésus de le renvoyer dans la mort. Jésus va encore accomplir ce miracle et renvoyer Lazare dans un sommeil éternel.

Cette fin surprenante est bien dans l’état d’esprit de Zola lorsqu’il écrit ce texte et reprend une notation de Lourdes :

 

Ce que Pierre venait d’entendre, n’était-ce pas peut-être les imprécations désespérées qui vinrent aux lèvres de Lazare lorsque Jésus le ressuscita ? Souvent déjà, Pierre avait imaginé que Lazare, sorti du tombeau, s’écriait : « Oh ! Seigneur, pourquoi m’avoir réveillé à cette abominable vie ? [...] Revivre ! Recommencer ! Alors que je sais maintenant de quoi est faite l’existence[46] !

 

 L’écrivain vit, à cette époque, une grave crise conjugale qui menace d’emporter son ménage. Il est également au bout de son grand œuvre et il peine à tourner la page. Achever les Rougon-Macquart c’est achever une vie. Zola est donc las de mener tant de combat et aspire au repos, à l’image de Lazare qui, après avoir goûté au sommeil éternel, ne peut se résoudre à revenir dans la vie afin d’engager de nouvelles luttes.

Mais ce Lazare nous renvoie également à l’œuvre entière de Zola. En effet ce personnage biblique est constamment présent dans la majorité des textes de l’écrivain. L’apparition la plus immédiate du mythe de Lazare se trouve dans une nouvelle peu connue de Zola : La mort d’Olivier Bécaille, écrite en 1879. Dans cette nouvelle, l’écrivain rapporte l’histoire d’un homme qui, alors qu’on le croit mort, est enterré vivant mais en état de catalepsie. Olivier Bécaille doit alors lutter pour refaire surface dans le monde des vivants. Cette nouvelle évoque, au premier abord, des souvenirs douloureux : Bécaille tombe malade et « meurt » dans un hôtel, à Paris, comme François Zola était tombé malade dans un hôtel à Marseille et était mort peu après. Mais ce texte reprend un thème qui révèle une des angoisses de l’époque : celui de l’enterré vivant. Rappelons que la mort est une des obsessions de Zola sous la forme de la peur de la nuit, du gouffre noir, de l’enlisement ou de l’ensevelissement. Bécaille est donc un ressuscité, à l’image du colonel Chabert de Balzac qui, ayant refait surface, n’aura plus la possibilité de réintégrer sa vie précédente et devra endosser une nouvelle vie. Ici, la résurrection se double d’une réincarnation.

L’attrait pour la mort et pour sa supposée douceur est également une obsession ancienne chez Zola. Dans Printemps - Journal d’un convalescent, écrit en 1866-1867, Zola note ses impressions, ses sensations au moment où il est en train de renaître à la vie, après une grave maladie de six mois. Dès les premières phrases Zola avoue son attrait pour la mort :      

  

            Je me suis endormi en rêvant que je me trouvais couché dans un caveau, au cimetière ; le cimetière était plein de monde, plein de promeneurs dont j’entendais les pieds crier sur le sable, au-dessus de ma tête. Et je me disais : « Qu’il est doux d’être mort ! »

                Un bruit sec m’a réveillé. J’ai compris que Françoise venait d’ouvrir la fenêtre. Un souffle d’air frais a passé sur mon visage, et ce souffle d’air était si caressant que j’ai reconnu l’haleine du printemps. J’ai pensé que le printemps entrait dans ma chambre pour achever ma guérison. Je me suis soulevé, regardant en face la jeune lumière[47].

 

                Dans ce texte, placé au début de la nouvelle, la mort est douce et la résurrection l’est également. Il n’y a pas de refus de revenir à la vie, retour assimilé au printemps, saison de la renaissance. Mais, plus loin, les angoisses de la mort inéluctable refont surface :

 

            Je ne dormais pas, je rêvais toujours que j’étais dans la terre, bien loin, au fond de souterrains bas et étroits, le long desquels il me fallait ramper sans relâche. Mes jambes s’embarrassaient au milieu de liens, d’obstacles invisibles ; mes bras rencontraient des débris qu’ils essayaient en vain de déblayer. Plié en deux, le front heurtant la pierre, les genoux entrant dans le sol mou et glissant, j’avançais avec des difficultés et des angoisses incroyables. A certains moments, lorsque le mal qui me déchirait devenait plus aigu, il me semblait que le souterrain se resserrait devant moi, qu’il se fermait tout à fait, et alors je souffrais horriblement à vouloir passer outre[48] [...].

 

                A partir de ces deux nouvelles, Zola va constamment filer la métaphore du mythe de Lazare sous des formes changeantes. On retrouve ce mythe dans La Faute de l’abbé Mouret dans lequel Serge renaît à la vie après une longue maladie. La remontée de la mine après l’accident, dans Germinal, est une nouvelle fois une réécriture de ce mythe tout comme le retour à Paris de Florent dans Le Ventre de Paris

            Lazare est également présent nominalement. On se souvient de Lazare Chanteau dans La Joie de Vivre. Ce personnage est un être incapable de réaliser quelque chose dans la vie. Il vit sans goût et sans force, poursuivi par la peur de la mort, seule constante de son être. Il faut aussi se rappeler du Lazare des Quatre Journées de Jean Gourdon dont Bruneau tirera un opéra. Dans cette nouvelle Lazare, l’oncle de Jean, est un personnage plus positif qui pousse son neveu vers le triomphe de la vie, au travers de l’image des saisons qui défilent et de l’enfant porteur de vie.

            Lazare est donc un mythe indissociable des nouvelles et des romans de Zola. On le retrouve également dans les œuvres lyriques. On peut citer Le Rêve dans lequel, dès le premier acte, Zola évoque le mythe de Lazare :

 

                        Jean

                Pendant une peste cruelle,

                Il pria tant que Dieu le fit vainqueur

                Du terrible fléau. - Pour ramener la vie

                Aux corps déjà glacés par l’agonie,

                Il se penchait vers eux,

                Les baisait sur la bouche et n’avait rien qu’à dire

                Aux mourants : « Si Dieu veut, je veux ! »

                On voyait les mourants sourire[49] ;

 

                Evidemment, l’opéra s’achève sur le miracle de la résurrection d’Angélique puis sur sa mort. Un fois encore la mort apparaît non pas comme un cauchemar mais comme une délivrance et Angélique chante sa joie de mourir :

 

           

 

Non ! Non ! ne pleurez pas, je suis heureuse

                Que l’orgue chante ! Oui ! C’est la mort joyeuse,

                J’ai bu toute l’ivresse et vais me reposer

                Sur ton cœur ...

                Le ciel s’ouvre !Ah !noces radieuses !

                Je meurs d’amour sous ton premier baiser[50] !

 

                Lazare refait ainsi surface dans plusieurs livrets tels que Violaine la Chevelue, L’Ouragan ou L’Enfant Roi. Il n’est donc pas étonnant que Zola ait réservé un livret à l’exposition de ce mythe dans lequel la mort est une délivrance et une douceur. Mais il semble nécessaire d’aller plus loin dans l’analyse. En effet, nous pouvons rattacher le mythe de Lazare à un autre aspect du troisième Zola qu’est le Zola photographe.

            Dans un célèbre article[51] Alain Buisine met en évidence un dispositif textuel proche du dispositif photographique : la chambre noire. La chambre noire est un processus textuel visant à faire remonter des images dans le cadre d’une pièce plus ou moins obscure qui fait alors office de chambre noire. L’action, ou le tableau que veut décrire Zola, est donc placée dans une pièce sombre et dans laquelle un rayon de lumière pénètre plus ou moins fortement comme le diaphragme de l’appareil photographique laisse passer plus ou moins longuement la lumière. La chambre noire la plus célèbre chez Zola se trouve dans la Bête Humaine :

 

            [...] ce ne fut pas avant sept heures passées qu’il vit blanchir les vitres, une pâleur laiteuse, très lente. Enfin, la chambre s’éclaira, de cette lumière confuse où les meubles semblaient flotter. Le poêle reparut, l’armoire, le buffet. Il ne pouvait toujours fermer les paupières, ses yeux au contraire s’irritaient, dans un besoin de voir. Tout de suite, avant même qu’il ne fît assez clair, il avait plutôt deviné qu’aperçu, sur la table, le couteau dont il s’était servi, le soir, pour couper le gâteau. Il ne voyait plus que ce couteau, un petit couteau à bout pointu. Le jour qui grandissait, toute la lumière blanche des deux fenêtres,  n’entrait maintenant que pour se refléter dans cette mince lame[52].

 

               

Quel rapport alors entre la chambre noire, la photographie et Lazare ? Il faute se poser la question de savoir ce que sous-entend l’acte photographique. Photographier une personne c’est pour elle  l’occasion  d’une  renaissance  symbolique. Souvenons-nous de  Morange  dans

Fécondité qui fait naître une famille grâce à la photographie. Mais qu’advient-il ensuite ? Le sujet photographié est condamné à rester figé pour l’éternité. Or, pensons au destin peu commun du Lazare de Zola. Lazare repose dans son tombeau jusqu'à ce que Jésus vienne le ressusciter. Il demande alors à ce qu’on le renvoie dans la mort ce qui arrive sans tarder : renaissance puis retour à l’éternité. Lazare devient donc une parabole de la photographie. Déjà ce retour au néant était lisible dans les dernières phrases du Rêve : « La vision, venue de l’invisible, retournait à l’invisible[53]. » C’est une tentation contre laquelle lutte Zola. Ce qu’il attend de la mort c’est l’oubli de la terre, l’abolition du souvenir même de ce que fut notre calvaire d’ici-bas. C’est en ce sens que prend toute sa signification cette phrase d’Alain Buisine : « En milieu zolien, l’activité imageante n’est jamais séparable des ténèbres originelles[54]. »

            Dans Lazare cette parabole de la photographie n’est, à notre connaissance, pas reconnue comme telle par Zola. Pourtant la première didascalie du texte vient conforter cette hypothèse :

 

            Une grotte profonde et sauvage. A gauche, par une déchirure, par une gorge étroite, tombe un large rayon de soleil. Des blocs de rochers ont roulé jusqu’au milieu de la grotte. C’est contre un de ces blocs que se trouve le tombeau de Lazare, un simple trou creusé dans la roche du sol, et que recouvre une dalle épaisse[55].

 

                C’est bien une chambre noire qui s’installe avant le début de l’action. Un rayon de soleil vient éclairer la scène qui se déroule dans une sombre grotte. Donc, à la parabole photographique vient s’ajouter un procédé photographique réel qui renforce notre impression que Lazare prend la place de toute personne qui, un jour ou l’autre, a eu l’occasion d’être photographié. Enfin, la dalle qui recouvre le tombeau est enlevée puis remise sur le corps de Lazare comme le diaphragme de l’appareil photographique s’ouvre et se ferme le temps qu’il faut à la lumière pour imprimer l’image, le temps qu’il faut à l’écrivain pour faire dérouler l’action devant nos yeux. Le sujet photographié retourne alors à l’éternité comme le souligne les dernières lignes du texte : « Ah ! pauvre Lazare, pauvre homme las, brisé de misère et de souffrance, dors, dors maintenant, heureux à jamais, pour l’éternité[56]. »

            Lazare est donc un mythe qui unifie toute l’œuvre de Zola : des nouvelles aux différents cycles romanesques, de la photographie aux œuvres lyriques. Il n’y a pas jusqu'à la gare Saint-Lazare, souvent empruntée par Zola, qui échappe à la règle ! Zola ira jusqu'à s’identifier à Lazare, lors de son exil anglais :

 

            Les morts ne parlent pas. Et je suis, comme Lazare, un mort, tant que la trompette sacrée de la justice enfin triomphante ne m’aura pas réveillé[57].

 

                La musique de Bruneau va d’ailleurs souligner combien le mythe de Lazare est proche de Zola. Cette musique ne brusque pas le texte. Elle le souligne. Pleine d’émotion, elle est le véritable hommage posthume rendu par Bruneau à son ami. Rappelons enfin que cette œuvre fut jouée pour la première fois en 1957 et créée sur scène en 1986, à Washington. La volonté de Bruneau et de Mme Zola était de voir cette œuvre jouée dans le théâtre antique d’Orange. Ce spectacle n’aura jamais lieu malgré d’étranges tractations. On apprend en effet dans un article de presse du 19 janvier 1993[58] que Mme Zola entreprit d’intervenir en 1909 et l’année suivante auprès des responsables des chorégies afin d’inscrire cette œuvre au programme.

Elle s’imaginait avoir un atout de poids grâce au général Picquart, dreyfusard glorieux qui, devenu ministre de la Guerre de 1906 à 1909, envisageait l’implantation du 55e régiment d’artillerie à Orange. Mme Zola s’engageait alors à soutenir l’implantation de cette caserne auprès de Picquart à la condition que Lazare soit représenté dans le théâtre antique. Une nombreuse correspondance atteste des tractations entre Bruneau, le maire Auguste Lacour et les chorèges de l’époque, Paul Antony-Réal et Ange Chambon. Si la représentation de Lazare fut rejetée, le régiment eut tout de même sa caserne.

 

            Dans ce chapitre nous avons donc longuement démontré la cohérence du « troisième Zola ». Loin d’être coupés des œuvres précédentes de l’écrivain les drames lyriques ont pleinement leur place dans les œuvres complètes de Zola. Et c’est à ce titre qu’ils doivent être étudiés. Pour ce qui nous concerne, il reste un pan de ces drames à étudier : leur réception.

            En effet, ces opéras ont soulevé de nombreuses réactions lors de leurs créations. Il nous faut donc voir quel fut l’accueil du public et de la presse. Nous verrons également que ces œuvres furent longuement commentées par les pairs de Bruneau. Nous rapporterons ainsi les réactions de Debussy ou de Mahler. Enfin, nous nous arrêterons plus particulièrement sur le travail d’Etienne Destranges, musicologue et ami de Bruneau qui écrivit des textes analytiques pour chacun des drames de Zola et de Bruneau.

 

                                              

 

 

             

 

 

           

                       

 

             

 

              

           

 

 

 

               

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Emile Zola, Correspondance, VIII, lettre 55, n. 1

[2] Emile Zola, Messidor, Le Figaro, 17 février 1897

[3] Emile Zola, O.C. X, p. 1256

[4] Emile Zola, Correspondance, Tome IV, lettre 175, p. 240

[5] Emile Zola, « Messidor », Le Temps, 16 février 1897

[6] Emile Zola, « Messidor », Le Figaro, 17 février 1897

[7] Emile Zola, Correspondance, Tome VIII, lettre 405, p. 391

[8] Alfred Bruneau « Messidor, La Musique », Le Figaro, 17 février 1897

[9] Emile Zola, Messidor, O.C. XV, p. 556

[10] Emile Zola, op. cit., p. 580

[11] Jean-Max Guieu, op. cit., p. 53

[12] Philippe Zibung et Jacques Tchamkerten « Les Mémoires de la Musique », Zola et Bruneau, Radio Suisse Romande, 1997, cinq émissions disponibles sur cassettes

[13] Emile Zola, Correspondance, Tome II, lettre 330, p. 535

[14] Emile Zola, op. cit., p. 535

[15] Emile Zola, Correspondance X, lettre n°10, p. 75

 

[16] Emile Zola, Correspondance VIII, lettre n°405, p. 390

 

[17] Denise Le Blond-Zola, Emile Zola raconté par sa fille, Fasquelle, 1931, p. 271

 

[18] Emile Zola, L’Ouragan, O.C. XV, p. 640

[19] Etienne Destranges, L’Ouragan, étude analytique et thématique, Fischbacher, 1902

 

 

[20] Emile Zola, op. cit., p. 669

[21] Emile Zola, op. cit., p. 670

[22] Richard Wagner, Une communication à mes amis, 1850, in Œuvres en prose de Richard Wagner, Delagrave 1907-1925

[23] Richard Wagner, op. cit.

[24] Emile Zola, Correspondance, tome IX, lettre n°304, p. 421

[25] Emile Zola, L’Enfant Roi, O.C. XV, p. 704

[26] Emile Zola, op. cit., p. 707

[27] Zola, op. cit., p. 714

[28] Jean-Max Guieu, op. cit., p. 104

[29] Emile Zola, op., cit., p. 715

[30] Alfred Bruneau, op. cit., p. 20

[31] Emile Zola, Violaine la Chevelue, O.C. XV, p. 633

[32] Emile Zola, « La Fée Amoureuse », in Contes à Ninon, O.C. IX, p. 65

[33] Emile Zola, Nana, O.C. IV, p. 348

[34] Henri Mitterand, O.C. XV, p. 842

[35] Emile Zola, Correspondance X, lettre n°388, p. 393

[36] Emile Zola, Sylvanire ou Paris en Amour, O.C. XV, p. 723

[37] Ibid., p. 730

[38] Ibid., p. 761

[39] Emile Zola, op. cit., p. 747

[40] Emile Zola, op. cit., p. 727

[41] Ibid., p. 749

[42] Ibid., p. 760

[43]Emile Zola, op. cit., p. 760

[44] Evelyne Bloch-Dano, Madame Zola, Grasset, 1997, p. 300

[45] Emile Zola, Gil Blas, 10 janvier 1890, B.N.F. , Département de musique, V.m.c. 3091

[46] Emile Zola, Lourdes, O.C. VII, p. 154

[47] Emile Zola, Printemps - Journal d’un convalescent, O.C. IX, p. 903

[48] Emile Zola, op. cit., p. 908

[49] Emile Zola, op. cit., p. 8

[50] Emile Zola, op. cit., p. 65

[51] Alain Buisine, « Les chambres noires du roman », in Cahiers Naturalistes, 1992, n°66, p. 245

[52] Emile Zola, La Bête Humaine, O.C. VI, p. 196-197

[53] Emile Zola, op. cit., p. 1318

[54] Alain Buisine, op. cit., p. 245

[55] Emile Zola, op. cit., p. 535

[56] Emile Zola, Ibid., p. 541

[57] Emile Zola, Correspondance IX, lettre n°281 adressée à Paul Alexis, p. 394

[58] Philippe Chabro, 19 janvier 1993

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