Place de l'Assommoir - Paris - XVIIIème



Au coeur de la Goutte d'Or, on trouve la place de l'Assommoir. Bordée d'immeubles d'habitation et d'un bureau de Poste, cet endroit rappelle que ce quartier est le lieu dans lequel se déroule le roman le plus célèbre d'Emile Zola.

Il semble, aujourd'hui, que ce quartier n'a pas changé, mêlant les charmes d'une population populaire et bigarrée aux problèmes sociaux les plus graves. La blanchisserie de Gervaise laisse place au moderne "Pressing" ...

Cliquez sur les images pour les agrandir.

Pour découvrir cette place, il faut prendre la ligne 2 du métro et descendre à Barbes-Rochechouart. Pour le reste, il suffit de se perdre dans le dédale des rues, nichées au pied de Montmarte, pour retrouver les pages les plus tragiques et les plus canailles de l'Assommoir!

Extrait de l'Assommoir : Plantée devant l'Assommoir, Gervaise songeait. Si elle avait eu deux sous, elle serait entrée boire la goutte. Peut-être qu'une goutte lui aurait coupé la faim. Ah ! elle en avait bu des gouttes ! Ca lui semblait bien bon tout de même. Et, de loin, elle contemplait la machine à soûler, en sentant que son malheur venait de là, et en faisant le rêve de s'achever avec de l'eau-de-vie, le jour où elle aurait de quoi. Mais un frisson lui passa dans les cheveux, elle vit que la nuit était noire. Allons, la bonne heure arrivait. C'était l'instant d'avoir du coeur et de se montrer gentille, si elle ne voulait pas crever au milieu de l'allégresse générale. D'autant plus que de voir les autres bâfrer ne lui remplissait pas précisément le ventre. Elle ralentit encore le pas, regarda autour d'elle. Sous les arbres, traînait une ombre plus épaisse. Il passait peu de monde, des gens pressés, traversant vivement le boulevard. Et, sur ce large trottoir sombre et désert, où venaient mourir les gaietés des chaussées voisines, des femmes, debout, attendaient. Elles restaient de longs moments immobiles, patientes, raidies comme les petits platanes maigres ; puis, lentement, elles se mouvaient, traînaient leurs savates sur le sol glacé, faisaient dix pas et s'arrêtaient de nouveau, collées à la terre. Il y en avait une, au tron énorme, avec des jambes et des bras d'insecte, dénordante et roulante, dans une guenille de soie noire, coiffée d'un foulard jaune ; il y en avait une autre, grande, sèche, en cheveux, qui avait un tablier de bonne ; et d'autres encore, des vieilles replâtrées, des jeunes très sales, si sales, si minables, q'un chiffonnier ne les aurait pas ramassées. Gervaise, pourtant, ne savait pas, tâchaiut d'apprendre, en faisant comme elles. Une émotion de petite fille la serrait à la gorge ; elle ne sentait pas si elle avait honte, elle agissait dans un vilain rêve. Pendant un quart d'heure, elle se tint toute droite. Des hommes filaient, sans tourner la tête. Alors, elle se remua à son tour, elle osa accoster un homme qui sifflait, les mains dans les poches, et elle murmura d'une voix étranglée : "Monsieur, écoutez donc ..."

Emile Zola, L'Assommoir, Chapitre II.

Retour à l'index