Cydalise et le chèvre-pied
Gabriel Pierné
Orchestre philharmonique du Luxembourg,
Collège vocal de la cathédrale de Metz, dir. David Shallon
Dès les premières mesures aux harmonies mystérieuses, ponctuées de douces interventions chorales créant une
atmosphère onirique, le décor est planté. Nous sommes dans un coin du parc, au château de Versailles, au
crépuscule du Grand Siècle : végétation domestiquée à la française mais noyée d'ombre ; grotte de rocaille
où murmurent des eaux dormantes ; vasques élégantes ... Dans la nuit incendiée de silence se faufile une
silhouette : celle d'un chèvre-pied, c'est-à-dire d'un faune, appartenant au cortège du dieu Pan. Il est
tombé amoureux de la belle Cydalise, ballerine qui se produit à Versailles dans la comédie-ballet
La Sultane des Indes et qui met la cour en émoi ... Mais quelle fortune peut connaître une passion
entre deux êtres que tout sépare, entre une belle mortelle et une semi-divinité, soumise à l'appel
irrésistible des forces de la forët ?
Achevé en 1815 et créé en 1923 à l'Opéra de Paris, ce ballet du compositeur messin Gabriel Pierné (1863-1937)
a tout pour charmer : une atmosphère de fêtes galantes et d'embarquement pour Cythère ; une élégance et une
légèreté qui masquent à peine la sensualité et la profondeur de l'écriture. On retrouve certes les influences
de l'ami Debussy -celui du Prélude à l'après-midi d'un faune, bien sûr- et la marque de cette clarté,
de ce classicisme qui vaudra à Pierné d'entrer en 1924 à l'Institut. Mais certains épisodes (l'apparition de la
lune, le lever du jour et l'éveil à la vie ...) ainsi que les grands développements symphoniques
(le tourbillon dionysiaque des danses) débordent d'une énergie fascinante et témoignent de la force d'inspiration
d'un compositeur qu'on a trop longtemps rangé parmi les "petits maîtres" de la musique française ...
En définitive ce Cydalise et le chèvre-pied ne laissera qu'un seul regret : que cette première mondiale
soit la dernière prestation discographique du chf David Shallon, mort le 15 septembre dernier ...
Article de Xavier Lacavalerie paru dans le Télérama n°2662 du 20 janvier 2001