En 1898, Marie Delna est engagée à l'Opéra trop tard pour interpréter Messidor de Bruneau et Zola. Cet opéra,
en pleine affaire Dreyfus et monté sans Marie, avait rapidement quitté l'affiche. Sur notre première scène lyrique, Delna triomphe dans le rôle de Fidès
du Prophète de Meyerbeer. Dans la nécrologie que Roger Balliman consacrera à Marie Delna, il écrit : "C'était une voix admirable, presque unique, une voix comme on n'en rencontre que deux ou trois durant toute une vie passée au théâtre : voix exceptionnelle par son ampleur, son étendue et plsu encore peut-être, par sa qualité. Chaude, expressive, profonde, émouvante, elle bouleversait, étreignait par sa seule sonorité. C'était aussi une vraie nature de théâtre. Elle avait innés le sens de la scène et de l'instinct du style ; s'adaptant intégralement au personnage qu'elle interprétait - noble Didon et riante Zerline, sublime Orphée et terrifiante, formidable vieille Lépreuse. Lorsqu'elle entra à l'Opéra, ses camarades craignirent que la plastique de cette bonne fille, toute simple et franche, pas bien grande, un peu forte, ne convint guère au vaste cadre. Quand elle parut au théâtre de la cathédrale du Prophète, elle sembla immense ; son lyrisme, son autorité, son don des attitudes, la splendeur de son organe, le foyer qu'elle émanait dominaient toute la scène." |
Delna en Fidès |
Delna en Cassandre |
Marie va rester deux ans à l'Opéra. Elle y sera successivement Dalila, Léonore, Cassandre, Guinièvre. Entre temps, Bruneau a écrit l'Ouragan sur un
livret d'Emile Zol, en pensant à elle pour Marianne, le premier rôle. L'oeuvre est acceptée par Albert Carré à l'Opéra-Comique, mais Marie Delna est toujours
à l'Opéra. Ne voulant pas prendre le risque de créer cette oeuvre sans elle, Bruneau, par d'habiles tractations, lui permettra de revenir salle Favart et de créer
le rôle de Marianne. |